MERCURIALE DE MARS 2011


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Le constat de séparisianisme
 
            Tout le monde comprend qu’une campagne de presse qui aurait pour slogan « Il existe des banquiers juifs » ou « certains récidivistes sont des musulmans » ne serait pas sans arrière-pensées. Le promoteur de la campagne pourra néanmoins affirmer que ce qu'il proclame est une vérité incontestable. Qu'il n’attaque ni les juifs ni les musulmans. Il pourra même se retourner contre vous. Espèce de paranoïaque, esprit mal tourné !
            Il a existé par le passé des hystéries collectives. Certains groupes humains étaient désignés comme des tueurs d'enfants. Aujourd'hui, le fantasme n'a pas disparu mais on sait être plus subtil, comme le montre la première affiche ci-dessus. L'hystérie collective se porte bien. La nouvelle laïcité parisienne (voir les mercuriales de janvier 2011 et de mai 2010) voudrait nous enrôler dans la guerre des civilisations. L’écologie républicaine (voir la mercuriale de septembre 2010) appelle à une autre guerre des civilisations, l'urbaine contre la rurale.
            Naguère, d’autres étaient venus pour dénoncer le commerçant voleur ou le fonctionnaire fainéant. De nouveaux gourous bas de plafond sont apparus, qui se font une spécialité de dénoncer le paysan pollueur.

            Un cochon de cent kilos peut disposer d’une station d’épuration dernier cri ; il ne sera jamais fécalement correct face à un parisien du même poids. Celui-ci vient se soulager dans des stations balnéaires dont la population décuple tous les étés ; L’épuration locale est-elle dimensionnée pour de tels écarts ? Personne ne s’en préoccupe, dans la mesure où le pollueur est désigné d'avance. C'est le cochon ; ce n'est pas le touriste en surnombre.
            Dans certains villages côtiers, les élus municipaux ont trouvé la solution. Ils sous-traitent l’épuration à l’éleveur de porcs local et à sa station dernier cri. Et ça marche ! Mais, pour le Français moyen, mettre en compétition le paysan breton avec Veolia est proprement inimaginable. Il faut respecter les hiérarchies : les champions nationaux, publics ou privés, ne doivent pas être contestés. Tout doit être décidé entre gens de bonne compagnie, qui parlent un français sans accent et vivent dans la capitale.
 
            Les Bretons ne sont pas masos. Ils veulent vivre dans un pays attrayant, prospère et solidaire. Cela passe par la discussion et la confrontation d’intérêts différents. Eh oui, les intérêts sont différents, parfois contradictoires. En démocratie, l’intelligence et la confiance sont les conditions du progrès.
            A côté de cela, il existe une posture bien française, dont la réputation d'arrogance n'est plus à faire. "Vous êtes Bretons ? Ce sont les Français qui commandent !" disait Mirabeau. L’objectif n’est pas de trouver une solution, mais de trouver un coupable et de s’en tenir là. C’est très citoyen, très bonnet-phrygien. On se veut coq gaulois, on se dresse sur ses ergots. Ecoutez mon ramage ! Admirez mon plumage ! Avec ses affiches, France Nature Environnement est sur le terrain de l’écologie ce que Riposte Laïque, avec ses apéros saucisson-pinard, est sur le terrain de la laïcité.
Aux uns les agriculteurs, aux autres les musulmans.
            L’écologie républicaine s’appuie sur des scientifiques du même métal. Comparons un instant la Météo et Ifremer. Après des tempêtes meurtrières, la Météo a pris conscience de sa responsabilité sociétale. Elle ne se contente plus d’analyser. Elle s’engage. Elle envoie des bulletins d’alerte aux pouvoirs publics locaux. Elle offre des services utiles aux agriculteurs et à tous ceux dont l’activité dépend du temps qu’il fait. Les chercheurs de l’Ifremer ont étudié la toxicité des algues vertes. Ils n’en ont déduit pour eux-mêmes aucune responsabilité, en particulier pour élaborer des protocoles de manipulation et de transport. Alors que des vies sont en jeu, ils se contentent de pointer la responsabilité sociétale des autres. Facile, confortable, mais surtout inquiétant...
 
            Le principe de subsidiarité a été énoncé comme la base du fonctionnement de l’Union Européenne. Il pose que tout doit être résolu par l’organisation compétente la plus proche du problème. Inutile de faire remonter au niveau de l’État ou de l’Union ce qui peut être résolu localement.
            Le principe de subsidiarité est contrarié, non seulement par la bureaucratie centralisatrice, mais aussi par des intérêts privés ou associatifs. C'est ce que nous appellerons le Constat de séparisianisme  (pour reprendre un mot de Claude Champaud), et qui peut s'énoncer ainsi :
TOUT PROBLEME RÉGIONAL CONFIÉ A UNE INSTANCE PARISIENNE, PUBLIQUE, PRIVÉE OU ASSOCIATIVE, DEVIENT INSOLUBLE.

            Le passage par Paris introduit dans la boucle des intérêts puissants, non plus pour résoudre, mais pour exploiter le problème. Avocats à la recherche de coupables et non à la recherche de solutions. Politiciens, ONG, associations, vedettes de médias qui savent que la dénonciation est un chemin de traverse vers la notoriété. Fournisseurs et importateurs agro-alimentaires, pour qui les Bretons sont des concurrents. Gourous de l'écologie qui, hier encore, dénonçaient la présence d'un maout lors des finales de gouren, et aujourd'hui les éleveurs de porcs. Pas un mot, pas un geste sur les concentrations citadines (voir deuxième affiche). C'est aux ploucs d'absorber les déchets et les métaux lourds des villes. Gare au paysan breton, trop moderne et pas assez dépendant du marché petit-bourgeois ! Gare aussi au pêcheur normand si le poisson est pollué en aval de Paris ! Pour sauvegarder la bonne conscience parisienne, on dénonce tantôt l'origine de la pollution, tantôt la victime.
 
            La question de l’agriculture et de l’environnement en Bretagne ne sera pas résolue par des élites parisiennes. Leur intérêt n'est pas de résoudre, mais d'exploiter les problèmes qui leur sont soumis. De toute façon, ces élites ne sont pas directement concernées ; la Bretagne est loin de leurs appartements. La confrontation entre acteurs locaux, agriculteurs et membres de la société civile, est détournée vers les tribunaux, les médias et la société du spectacle. Chacun la met en scène dans son théâtre, son studio, son meeting. Les Bretons sont sommés d’y tenir un rôle rigide et caricatural, et de s'entredéchirer.
 
            Les temps sont durs pour le touriste parisien. Ses vacances en Tunisie et en Egypte sont gâchées par la chute des dictatures. Pour que la Bretagne devienne une colonie balnéaire, il n’imagine qu’une solution : une dictature de l'incompétence contre les éléments vitaux de notre économie productive, la paysannerie et l'agro-alimentaire.
            Il a besoin de colonies balnéaires, je vous dis. Il aime s'y pavaner, y faire ses crottes et s'y sentir supérieur. C'est triste, mais il est comme ça ; on ne le refera pas.

JPLM

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