Symétriquement, la revendication de liberté bretonne est
liée au rejet de Paris. Toutes les métropoles inspirent les mêmes
sentiments. Babylone a provoqué l'admiration et la haine la plus ardente. Rome,
Pékin, Byzance ont suscité les mêmes passions. Au 19ème siècle, les
diplomates et les voyageurs vantaient les charmes de Saint Petersbourg, la
nouvelle capitale impériale de la Russie. Au même moment, Dostoïevski parlait
du "malheur qu'il y a à vivre à Saint-Petersbourg" et Aksakov lui écrivait : "La première
condition pour la libération du sentiment populaire russe, c'est haïr
Saint-Petersbourg de tout son cœur et de toute son âme".
La constante sociologique se nourrit en France des mythes républicains. Elle renvoie au pouvoir citadin et à la méfiance envers le pourvoyeur de nourriture, égoïste, affameur, aujourd’hui empoisonneur et pollueur. Elle refuse aujourd’hui de voir que les problèmes des déjections concernent à la fois les concentrations animales et les concentrations humaines. C’est pourtant cela la nature, la vraie ! Paris est un élevage géant sans plan d’épandage. La population vivant sur le bassin hydrographique de la Seine est d’environ 18 millions d’humains, dont plus de 80% vit en zone urbaine. Cette population augmente chaque année. 40% des industries françaises siègent sur les bords de la Seine. Pour comparaison, en Bretagne, la population porcine est d’environ 13 millions d’individus. Elle tend à diminuer. Le refus d’aborder le problème écologique majeur que pose la concentration humaine en région parisienne est appelé à se maintenir. La France est aujourd’hui entraînée dans une course qu’elle va perdre : c’est la course aux métropoles, aux pôles d’excellence, aux universités classées. Elle court après les grands chiffres. Pour cela, le gouvernement actuel recentralise le pouvoir politique, l’économie, la recherche, la diffusion du savoir. Mais les chiffres des concurrents chinois et américains croissent vite, trop vite. La France ne les atteindra pas et y perdra son équilibre. L’effondrement institutionnel pourrait éventuellement nous donner une opportunité de sécession, mais ceci est une autre question. La Bretagne et les petits pays ont, par nature, d’autres ambitions. C’est celle des entreprises en réseau (y compris les exploitations porcines par l’instauration du façonnage), des universités numériques décentralisées, du maillage territorial. Ces ambitions ne sont pas quantitatives, mais qualitatives. Il existe des chiffres qui mesurent la grandeur. Les mêmes mesurent l’excès. Pour mesurer l’équilibre, un seul chiffre ne suffit pas, fût-il grand. |
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