Avez-vous déjà lu des pamphlets antisémites ? Le canevas est toujours le même. D’abord, l’auteur se vante de sa liberté de penser. Il se félicite du courage dont il fait preuve en affrontant la pensée dominante. Il admire sa propre lucidité, lorsqu’il dévoile le complot des riches, des imbéciles et des profiteurs. Il accumule les raisons de détester, non pas des individus ou des comportements, mais une communauté humaine prise dans son ensemble. Le pamphlet antisémite énumère tous les arguments de la condamnation collective, des plus anciens aux plus récents. Il ne fait pas de tri. Il ne nous épargne ni les raisons les plus dérisoires, ni les plus loufoques. Pour montrer qu’il n’est pas seul, l’antisémite cite des auteurs que personne ne connait. Quand vous n’êtes pas habitué à ce genre de littérature, vous saturez assez rapidement. "Le Hareng de Bismarck" n’est pas un pamphlet antisémite. C’est un pamphlet anti-allemand. Il est bâti, sans doute inconsciemment, sur le même modèle. L’auteur se vante de sa liberté de penser, de son courage et de sa lucidité. Il cite des auteurs inconnus et des journalistes anonymes. Il égrène toutes les raisons de haïr une nation voisine. Il plaide pour la condamnation collective. Pour Jean-Luc Mélenchon, les Allemands sont des pollueurs (p 23-35), des empoisonneurs (p 36-38), des promoteurs des OGM (p 39-42), des obèses (42-44), des productivistes (p 44- 47), des vieillards "en panne de libido" (p 51 -53), des sexistes rétrogrades (p 53-56), des "roublards" (p 60), des adeptes de la "déportation des vieux" (p 61- 62). Leurs produits bio sont pourris de dioxine ! (p 46). Leurs décideurs ont "l’esprit étriqué" (p 47). Ils pillent les cerveaux et transforment les travailleurs en "esclaves" (p 63-65). L’Allemagne est un modèle de "maltraitance sociale" (p67-76). Les Allemands sont à la fois "fainéants" (P 87-94), "lourdauds" (p 94), "égoïstes" (p 95), "inefficients" (p 98), "maladroits" (p 98). L’Allemagne, c’est "l’impérialisme économique" (P 109-114), le militarisme et la guerre (p115-131), le rejet de la démocratie (p 135-138). L’Allemagne est un "club ethnique chrétien" (P139-155), un peuple de calotins communautaristes, ennemis naturels de la "grande révolution française". Je pourrais continuer à dérouler le chapelet d’insultes, de soupçons et de mesquineries. Mais je sens que, vous aussi, vous commencez à saturer. Si j'ai lu le livre jusqu'au bout, c'est parce que j'y ai trouvé quelque chose de plus intéressant ou, plutôt, de révélateur. |
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