Michelet

Michelet (Jules)




Historien de la supériorité française (1798- 1874)


Introduction à l'histoire universelle. Préface (1831)

           " Ce petit livre pourrait aussi bien être intitulé : introduction à l'histoire de France ; c'est à la France qu'il aboutit. Et le patriotisme n'est pour rien en cela. Dans sa profonde solitude, loin de toute influence d'école, de secte ou de parti, l'auteur arrivait, et par la logique et par l'histoire, à une même conclusion : c'est que sa glorieuse patrie est désormais le pilote du vaisseau de l'humanité. "

Le Peuple  (1846)

               NB : la citation est un peu longue, mais elle en vaut la peine, du début à la fin.
           " Ne dites pas, je vous prie, que ce ne soit rien du tout que d'être né dans le pays qu'entourent les Pyrénées, les Alpes, le Rhin, l'océan. Prenez le plus pauvre homme, mal vêtu et affamé, celui que vous croyez uniquement occupé des besoins matériels. Il vous dira que c'est un patrimoine que de participer à cette gloire immense, à cette légende unique qui fait l'entretien du monde. Il sait bien que s'il allait au dernier désert du globe, sous l'équateur, sous les pôles, il trouverait là Napoléon, nos armées, notre grande histoire, pour le couvrir et le protéger, que les enfants viendraient à lui, que les vieillards se tairaient et le prieraient de parler, qu'à l'entendre seulement nommer ces noms, ils baiseraient ses vêtements.

          Pour nous, quoi qu'il advienne de nous, pauvre ou riche, heureux, malheureux, vivant, et par delà la mort, nous remercierons toujours Dieu, de nous avoir donné cette grande patrie, la France. Et cela, non pas seulement à cause de tant de choses glorieuses qu'elle a faites, mais surtout parce qu'en elle nous trouvons à la fois le représentant des libertés du monde et le pays sympathique entre tous, l'initiation à l'amour universel. Ce dernier trait est si fort en la France, que souvent elle s'en est oubliée. Il nous faut aujourd'hui la rappeler à elle-même, la prier d'aimer toutes les nations moins que soi.

          Sans doute, tout grand peuple représente une idée importante au genre humain. Mais que cela, grand dieu, est bien plus vrai de la France ! Supposez un moment qu'elle s'éclipse, qu'elle finisse, le lien sympathique du monde est relâché, dissout, et probablement détruit. L'amour qui fait la vie du globe, en serait atteint en ce qu'il a de plus vivant. La terre entrerait dans l'âge glacé où déjà tout près de nous sont arrivés d'autres globes. (...). Nous sommes les fils de ceux qui par l'effort d'une nationalité héroïque, ont fait l'ouvrage du monde (...).  On prend à un peuple voisin telle chose qui chez lui est vivante ; on se l'approprie tant bien que mal, malgré les répugnances d'un organisme qui n'était pas fait pour elle ; mais c'est un corps étranger que vous vous mettez dans la chair ; c'est une chose inerte et morte, c'est la mort que vous adoptez (...).

          Si l'on voulait entasser ce que chaque nation a dépensé de sang, et d'or, et d'efforts de toute sorte, pour les choses désintéressées qui ne devaient profiter qu'au monde, la pyramide de la France irait montant jusqu'au ciel... et la vôtre, ô nations, toutes tant que vous êtes ici, ah ! La vôtre, l'entassement de vos sacrifices, irait au genou d'un enfant.

          Il y a bien longtemps que je suis la France, vivant jour par jour avec elle depuis deux milliers d'années. Nous avons vu ensemble les plus mauvais jours, et j'ai acquis cette foi que ce pays est celui de l'invincible espérance. Il faut bien que Dieu l'éclaire plus qu'une autre nation, puisqu'en pleine nuit, elle voit quand nulle autre ne voit plus ; dans ces affreuses ténèbres qui se faisaient souvent au moyen âge et depuis, personne ne distinguait le ciel ; la France seule le voyait. Voilà ce que c'est que la France. Avec elle, rien n'est fini ; toujours à recommencer (...).

          L'étranger croit avoir tout dit, quand il dit en souriant : " la France est l'enfant de l'Europe ". Si vous lui donnez ce titre, qui devant Dieu n'est pas le moindre, il faudra que vous conveniez que c'est l'enfant Salomon qui siége et qui fait justice. Qui donc a conservé, sinon la France, la tradition du droit ?
          Du droit religieux, politique et civil ; la chaise de Papinien, et la chaire de Grégoire VII. Rome n'est nulle autre part qu'ici. Dès Saint Louis, à qui l'Europe vient elle demander justice, le pape, l'empereur, les rois ? ... la papauté théologique en Gerson et en Bossuet, la papauté philosophique en Descartes et en Voltaire, la papauté politique, civile, en Cujas et Dumoulin, en Rousseau et Montesquieu, qui pourrait la méconnaître ? Ses lois, qui ne sont autres que celles de la raison, s'imposent à ses ennemis même. L'Angleterre vient de donner le code civil à l'île de Ceylan. Rome eut le pontificat du temps obscur, la royauté de l'équivoque. Et la France a été le pontife du temps de lumière.
          Ceci n'est pas un accident des derniers siècles, un hasard révolutionnaire. C'est le résultat légitime d'une tradition liée à toute la tradition depuis deux mille ans. Nul peuple n'en a une semblable. En celui-ci, se continue le grand mouvement humain (si nettement marqué par les langues), de l'Inde à la Grèce, à Rome, et de Rome à nous.

          Toute autre histoire est mutilée, la nôtre seule est complète ; prenez l'histoire de l'Italie, il y manque les derniers siècles ; prenez l'histoire de l'Allemagne, de l'Angleterre, il y manque les premiers. Prenez celle de la France ; avec elle, vous savez le monde.
          Et dans cette grande tradition il n'y a pas seulement suite, mais progrès. La France a continué l'oeuvre romaine et chrétienne. Le christianisme avait promis, et elle a tenu. L'égalité fraternelle, ajournée à l'autre vie, elle l'a enseignée au monde, comme la loi d'ici-bas.
          Cette nation a deux choses très-fortes que je ne vois chez nulle autre. Elle a à la fois le principe et la légende, l'idée plus large et plus humaine, et en même temps la tradition plus suivie. Ce principe, cette idée, enfouis dans le moyen âge sous le dogme de la grâce, ils s'appellent en langue d'homme, la fraternité.
           Cette tradition, c'est celle qui de César à Charlemagne, à Saint Louis, de Louis XIV à Napoléon, fait de l'histoire de France celle de l'humanité. En elle se perpétue, sous forme diverse, l'idéal moral du monde, de Saint Louis à la pucelle, de Jeanne D'Arc à nos jeunes généraux de la révolution ; le saint de la France, quel qu'il soit, est celui de toutes les nations, il est adopté, béni et pleuré du genre humain. "pour tout homme, disait impartialement un philosophe américain, le premier pays, c'est sa patrie, et le second, c'est la France. " -mais combien d'hommes aiment mieux vivre ici qu'en leur pays ! Dès qu'ils peuvent un moment briser le fil qui les tient, ils viennent, pauvres oiseaux de passage, s'y abattre, s'y réfugier, y prendre au moins un moment de chaleur vitale. Ils avouent tacitement que c'est ici la patrie universelle.

          Cette nation, considérée ainsi comme l'asile du monde, est bien plus qu'une nation ; c'est la fraternité vivante. En quelque défaillance qu'elle tombe, elle contient au fond de sa nature ce principe vivace, qui lui conserve, quoi qu'il arrive, des chances particulières de restauration. Le jour où, se souvenant qu'elle fut et doit être le salut du genre humain, la France s'entourera de ses enfants et leur enseignera la France, comme foi et comme religion, elle se retrouvera vivante, et solide comme le globe.


          Je dis là une chose grave, à laquelle j'ai pensé longtemps, et qui contient peut-être la rénovation de notre pays. C'est le seul qui ait droit de s'enseigner ainsi lui-même, parce qu'il est celui qui a le plus confondu son intérêt et sa destinée avec ceux de l'humanité. C'est le seul qui puisse le faire, parce que sa grande légende nationale, et pourtant humaine, est la seule complète et la mieux suivie de toutes, celle qui, par son enchaînement historique, répond le mieux aux exigences de la raison.

          Et il n'y a pas là de fanatisme ; c'est l'expression trop abrégée d'un jugement sérieux, fondé sur une longue étude. Il me serait trop facile de montrer que les autres nations n'ont que des légendes spéciales que le monde n'a pas reçues. Ces légendes, d'ailleurs, ont souvent ce caractère d'être isolées, individuelles, sans lien, comme des points lumineux, éloignés les uns des autres. La légende nationale de France est une traînée de lumière immense, non interrompue, véritable voie lactée sur laquelle le monde eut toujours les yeux.

           L'Allemagne et l'Angleterre, comme race, comme langue et comme instinct, sont étrangères à la grande tradition du monde, romano-chrétienne et démocratique. Elles en prennent quelque chose, mais sans l'harmoniser bien avec leur fond qui est exceptionnel ; elles le prennent de côté, indirectement, gauchement, le prennent et ne le prennent pas. Observez bien ces peuples, vous y trouverez, au physique, au moral, un désaccord de vie et de principe que n'offre pas la France, et qui (même sans tenir compte de la valeur intrinsèque, en s'arrêtant à la forme et ne consultant que l'art), doit empêcher toujours le monde d'y chercher ses modèles et ses enseignements.

          La France, au contraire, n'est pas mêlée de deux principes. En elle, l'élément celtique s'est pénétré du romain, et ne fait plus qu'un avec lui. L'élément germanique, dont quelques-uns font tant de bruit, est vraiment imperceptible. Elle procède de Rome, et elle doit enseigner Rome, sa langue, son histoire, son droit. Notre éducation n'est point absurde en ceci. Elle l'est en ce qu'elle ne pénètre point cette éducation romaine du sentiment de la France ; elle appuie pesamment, scolastiquement sur Rome qui est le chemin, elle cache la France qui est le but.
          Ce but, il faudrait dès l'entrée, le montrer à l'enfant, le faire partir de la France qui est lui, et par Rome, le mener à la France, encore à lui. Alors seulement notre éducation serait harmonique.
          Le jour où ce peuple, revenu à lui-même, ouvrira les yeux et se regardera, il comprendra que la première institution qui peut le faire vivre et durer, c'est de donner à tous (avec plus ou moins d'étendue, selon le temps dont ils disposent) cette éducation harmonique qui fonderait la patrie au cœur même de l'enfant. Nul autre salut. Nous avons vieilli dans nos vices, et nous n'en voulons pas guérir. Si Dieu sauve ce glorieux et infortuné pays, il le sauvera par l'enfance.

          Au reste, pour l'enfant, l'intuition durable et forte de la patrie, c'est, avant tout, l'école, la grande école nationale, comme on la fera un jour. Je parle d'une école vraiment commune, où les enfants de toute classe, de toute condition, viendraient, un an, deux ans, s'asseoir ensemble, avant l'éducation spéciale, et où l'on n'apprendrait rien autre que la France.

          Consolé, caressé, heureux, libre d'esprit, qu'il reçoive sur ces bancs l'aliment de la vérité. Qu'il sache, tout d'abord, que Dieu lui a fait la grâce d'avoir cette patrie, qui promulgua, écrivit de son sang, la loi de l'équité divine, de la fraternité, que le dieu des nations a parlé par la France.
         
          La patrie d'abord comme dogme et principe. Puis, la patrie comme légende : nos deux rédemptions, par la sainte pucelle d'Orléans, par la révolution, l'élan de 92, le miracle du jeune drapeau, nos jeunes généraux admirés, pleurés de l'ennemi, la pureté de Marceau, la magnanimité de Hoche, la gloire d'Arcole et d'Austerlitz, César et le second César, en qui nos plus grands rois reparaissaient plus grands... plus haute encore la gloire de nos assemblées souveraines, le génie pacifique et vraiment humain de 89, quand la France offrit à tous de si bon coeur la liberté, la paix... enfin, par-dessus tout, pour suprême leçon, l'immense faculté de dévouement, de sacrifice, que nos pères ont montrée, et comme tant de fois la France a donné sa vie pour le monde. (...)

           La patrie, ma patrie peut seule sauver le monde. "

Michelet n'aime pas les Juifs.
Peut être parce qu'on chuchote autour de lui que le véritable sauveur du monde était juif ?
Michelet ne supporte pas que la France ait des concurrents.


Le juif est un usurier :

         "Un triste débiteur, inquiet, tremblant, qui a peur de rencontrer son créancier et qui se cache, croyez-vous que cet homme-là garde beaucoup de courage ? Que serait-ce d' une race élevée ainsi, sous la terreur des juifs, et dont les émotions seraient celles de la contrainte, de la saisie, de l' expropriation."


Si le patron français est dur avec ses ouvriers, c'est à cause des juifs :
                 "Voyez-le parcourir à grands pas ses vastes ateliers, l' air sombre et dur... Quand il est à un bout, à l' autre bout, l' ouvrier dit tout bas : " est-il donc féroce aujourd'hui ! Comme il a traité le contre-maître ! "
                 Il les traite comme il l' a été tout à l' heure. Il revient de la ville d' argent, de Bâle à Mulhouse par exemple, de Rouen à Déville. Il crie, et l' on s' étonne ; on ne sait pas que le juif vient de lui lever sur le corps une livre de chair. Sur qui va-t-il reprendre cela ? Sur le consommateur ? Celui-ci est en garde. Le fabricant retombe sur l'ouvrier."

Les juifs n'aiment ni la nature, ni l'humanité :
                  "Le christianisme, malgré son esprit de douceur, ne renoua pas l' ancienne union. Il garda contre la nature un préjugé judaïque. La Judée, qui se connaissait, avait craint d' aimer trop cette soeur de l' homme ; elle la fuyait en la maudissant."

Michelet, un précurseur

           Les délires de Michelet, cités ci-dessus (mais on pourrait y ajouter une centaine d'autres citations) ont fait des envieux. Il suffit de remplacer " France " par " Allemagne ", et de revenir soixante-dix ans en arrière pour retrouver le parfum d'une idéologie connue.

           Le dictateur allemand a d'ailleurs exprimé clairement sa fascination dépitée devant un tel modèle d'endoctrinement :

          " Combien se rendent compte que leur fierté bien naturelle d'appartenir à un peuple privilégié se rattache, par un nombre infini de liens, à tout ce qui a fait leur patrie si grande, dans tous les domaines de l'art et de l'esprit ?
            Combien voient à quel point leur orgueil d'être Allemands découle de leur connaissance de la grandeur de l'Allemagne ?
          Nos milieux bourgeois songent-ils aussi que de cet orgueil-là, le peuple se moque à peu près complètement ?
          Que l'on ne m'objecte pas maintenant que c'est la même chose dans tous les pays et que les travailleurs y tiennent tout de même pour leur patrie. Quand cela serait, cela n'excuserait pas notre attitude négligente. Mais il n'en est rien. Ce que nous appelons, par exemple, l'éducation chauvine du peuple français n'est que l'exaltation excessive de la grandeur de la France dans tous les domaines de la culture ou, comme disent les Français, de la "civilisation". Un jeune Français n'est pas dressé à se rendre compte objectivement de la réalité des choses : son éducation lui montre, avec la vue subjective que l'on peut imaginer, tout ce qui a quelque importance pour la grandeur de son pays, en matière de politique et de civilisation.
             Une telle éducation doit toujours se borner à des notions d'ordre général très importantes. Et il est nécessaire qu'elles soient gravées dans le cœur et dans la mémoire du peuple par une constante répétition.
              Chez nous, au contraire, au péché d'omission d'un caractère négatif, s'ajoute la destruction positive du peu que chacun a eu la chance d'apprendre à l'école. Les rats qui empoisonnent notre politique dévorent ces bribes dans le cœur et la mémoire des humbles, si tant est que la misère ne s'en soit pas déjà chargée. "

(Adolf Hitler. Mein Kampf)

           Au fait, n'est-ce pas le langage à la Michelet, messianique et républicain, que l'on reproche aujourd'hui aux Américains ?


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ContreCulture / Michelet version 1.0