Ligue des droits de l'homme

La Ligue des Droits de l'Homme

Devoir de mémoire et devoir de futur...  


La Ligue française des Droits de l'Homme défend les prisonniers politiques bretons quand les droits de l'homme sont en jeu. Merci.
Les sections bretonnes de la Ligue prétendent au rôle de commissaire politique. Non merci.

La Ligue des Droits de l'Homme et la Bretagne

Assumer notre identité bretonne et nous sentir libre par rapport au passé, est-ce une offense aux droits de l'homme ?

- En 1999, des sections bretonnes de la Ligue des Droits de l'Homme protestent contre le
Dictionnaire des romanciers de Bretagne, distribué gratuitement par les Conseils Généraux dans les collèges et lycées d'Ille-et-Vilaine, du Morbihan et des Côtes d'Armor. La même année, la Ligue proteste contre l'exposition consacrée au peintre breton Xavier de Langlais au Musée de Bretagne de Rennes.
- En décembre 2000, la section de Rennes de la Ligue des Droits de l'Homme rédige un dossier de 53 pages, non pas pour dénoncer des atteintes aux droits de l'homme, mais pour réchauffer les mythes fondateurs de la Vème république. Nous autres Bretons avons commis le crime impardonnable de considérer notre passé comme du passé.
Sur ces 53 pages, 28 sont des photocopies d'articles. Le dossier s'appuie en particulier sur Le Pays Breton et Télérama. Le lecteur qui parcourt distraitement ces gazettes est loin de se douter qu'elles sont les sources pures où la prestigieuse Ligue puise ses décrets. On ne devrait feuilleter ces magazines que d'une main tremblante.
- 2005 : Des représentants de la Ligue des Droits de l'homme soutiennent les actions contre la langue bretonne dans le département du Morbihan.
- En 2006, lors d'un Colloque au Sénat, un représentant de la Ligue des Droits de l'Homme s'attaque à la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Le texte est disponible, non pas sur le site de la Ligue des Droits de l'Homme, mais sur un site pour lequel l'égalité républicaine est représentée par le citoyen seul et uniforme face à l'Etat. Le texte explique que toute revendication des droits culturels en France est liée à un passé nazi. Ça manque certes de mesure et d'objectivité, mais c'est simple, non ? Il explique aussi que la Charte européenne est en contradiction avec la Constitution. Il faudrait que la Ligue nous précise ce qu'elle défend aujourd'hui, si c'est la Constitution de la Vème République ou les droits de l'homme.
- en 2008, la Ligue des Droits de l'homme, par sa section de Rennes, diffuse un communiqué opposé à la régionalisation de la culture et de l'enseignement. Là encore, il faudrait que la Ligue nous dise clairement ce qu'elle entend par droits de l'homme, car celà nous semble fâcheusement synonyme de maintien de l'ordre pyramidal.

De toute évidence, la Ligue Française a du mal a accepter l'émergence du droit des minorités et son intégration aux droits de l'homme. C'est pourtant ce qui se fait un peu partout, et aussi dans les législations internationales.

La Ligue est très soucieuse de rattacher les revendications bretonnes au nazisme ou à l'ancien régime. Et, symétriquement, elle rattache les revendications françaises (unité et indivisibilité) à la démocratie. En fait, c'est là le véritable but du jeu.
Les autonomistes bretons ne sont pas les seuls apôtres de la diversité. Ils ne sont pas non plus les seuls qui aient vu dans le conflit de 39-45 une opportunité de libération nationale. Mais l'enjeu de nos ligueurs "républicains" n'est pas l'anti-nazisme. Ainsi, la Ligue considère Gandhi
comme quelqu'un de fréquentable, alors qu'il poignarda dans le dos les Alliés. C'est en 1942, à l'approche des troupes japonaises, qu'il lança son mot d'ordre "Quit India" contre les Anglais. Et que dire de l'indépendance de la Croatie ? de la Slovaquie ? de l'Islande? Tous des anciens collabos, qui assument sans se cacher leur passé ténébreux ! Pour eux, comme pour les Bretons, le passé est du passé. Une honte. Mais les Bretons sont les seuls à constituer un enjeu au sein de l'Hexagone français.

A croire ses porte-paroles en Bretagne, la Ligue considère que nous sommes marqués à jamais par les fautes de nos pères. Elle voudrait nous voir agenouillés, tête baissée, nous frappant trois fois la poitrine en gémissant. Il nous faudrait faire pénitence indéfiniment, déposer nos solidarités, notre langue, nos rêves collectifs aux pieds du grand confesseur républicain.
Valeureux démocrates, voici notre réponse. Démocratisons le devoir de mémoire ! Le passé de la Ligue comporte des tâches qui sont loin d'être des détails de l'histoire. Juges solennels de notre passé, assumez le vôtre !


Origine de la Ligue française des Droits de l'Homme

La Ligue fut créée le 4 juin 1898, pour rassembler les dreyfusards.
L'affaire a commencé quatre ans plus tôt. En 1894, Alfred Dreyfus est accusé d'espionnage et condamné au bagne. Le Ministre de la guerre est alors le général Mercier, anticlérical et libre-penseur. Rares sont ceux qui défendent Dreyfus. L'antisémitisme est populaire à gauche (voir Communards, Gellion-Danglar, Hamon, Regnard, Tridon).
En octobre 1897, le président du sénat, Auguste Sheurer-Kestner, fait part de sa conviction de l'innocence de Dreyfus. Clémenceau lui emboîte le pas. Le fameux article de Zola, J'accuse, paraît dans le journal de Clémenceau, l'Aurore, le 13 janvier 1898. Tout bascule. Le camp dreyfusard se gonfle et vole de victoires en victoires.
La Ligue est créée cinq mois après l'article de Zola. Il n'y a guère d'avant-gardisme ni d'audace là-dedans.


La Ligue et la colonisation française

En 1930, la majorité de la Ligue est favorable à la colonisation. Seule une minorité, menée par Félicien Challaye (qui soutiendra en 1938 les accords de Munich avec Hitler, et écrira dans les journaux collaborationnistes pendant la guerre...), souhaite une décolonisation. Il faut remarquer que les plus ardents partisans de la colonisation sont les ligueurs des colonies, tout comme aujourd'hui les sections de la Ligue les plus opposées aux libertés bretonnes sont des sections de Bretagne.

Pour les ligueurs locaux, les nationalistes vietnamiens sont incultes, stupides, ambitieux, xénophobes. On croirait voir le portrait des nationalistes bretons :

Section de Haïphong. Cahiers des Droits de l'Homme, 1930, p 562 et suivantes.
"Les Français d'Indochine, membres ou non de la Ligue des Droits de l'Homme, ont été saisis d'une douloureuse surprise à la lecture des deux pétitions publiées dans le numéro 4 des cahiers des Droits de l'Homme, pages 81 et suivantes.
C'est que ces pétitions ne tendent à rien de moins qu'à faire passer les Français établis dans ce pays pour des bandits et des tortionnaires. Alors que tous les étrangers qui visitent notre Colonie s'étonnent de notre extrême bonté à l'égard des indigènes, et que l'immense majorité des Annamites eux-mêmes, ceux qui apprécient la sécurité et le bien-être que leur a apporté notre Protectorat, nous blâment parfois de ne pas nous montrer plus fermes envers les perturbateurs de l'ordre.
Car seuls quelques Annamites qui n'ont pas connu les "Pavillons Noirs" que nos Marsouins et nos matelots ont écrasés au prix de leur sang (et qui reviendraient dès notre départ) désirent nous "jeter à la mer". Ces jeunes gens, qui ont reçu dans nos écoles une instruction des plus sommaires, n'ayant plus la mentalité annamite et n'ayant pas encore la mentalité européenne, étaient une proie toute indiquée pour le Communisme, qu'ils se sont du reste, comme la plupart des Asiatiques, fort mal assimilé. Ils n'en ont retenu que ce qu'il y a de plus subversif et n'ont adopté que ses méthodes de violence, susceptibles de servir leurs énormes ambitions personnelles. Sous le sinistre drapeau de Moscou, dont les dictateurs, par méthode, encouragent et subventionnent tous les mouvements xénophobes en Asie, ils ont su provoquer en Indochine un mouvement assez ample,soi-disant communiste ou nationaliste, et qui en réalité ne groupe, comme chefs, que quelques ratés de nos universités, et comme troupe, que la lie de la population."

(La section de Haïphong de la Ligue des Droits de l'Homme sera dissoute par le Comité Central le 2 juillet 1931. Nos bons humanitaires blancs, qui appréciaient tant "l'immense majorité des Annamites", refusaient en fait d'admettre des indigènes parmi eux)

La générosité de la France justifie sa domination en Algérie :

Congrès interfédéral de la Ligue, pour l'Afrique de Nord, Alger, les 25 et 26 avril 1930
Intervention de M. Moatti, président de la section d'Alger (Cahiers de 1931. p 171)
"Il est un fait indéniable : nous devons reconnaître que la France, qui est ici depuis un siècle, a rempli des progrès qu'aucune nation n'aurait pu réaliser en Algérie.
Avec cet esprit de libéralisme, de générosité, dicté par ceux qui nous ont précédé, les hommes de 1789, de 1793, la France a apporté ici ses idées de générosité et il est incontestable, quoiqu'en disent certains esprits chagrins, qu'un grand pas est déjà réalisé aux points de vue moral, politique et administratif...."

La civilisation française justifie, aux yeux du président de la Ligue, la colonisation du Maroc :

Eloge de la colonisation. Intervention de M. Victor Basch, président de la Ligue (cahiers de 1931, p 172)
"Nous ne sommes pas de ceux qui sont insensibles aux actes de courage et aux actes de sagesse  qu'il a fallu pour créer la nouvelle France de l'Afrique du Nord. Ainsi, moi, je viens du Maroc. En dépit de tout ce que nous avons dit sur la manière dont le Maroc a été conquis et organisé, j'ai été émerveillé et je considère que l'oeuvre qui a été improvisée là-bas est celle d'un incomparable magicien. Ce magicien, le maréchal Lyautey, nous l'avons combattu et nous avons eu raison de le combattre. Mais c'est tout de même un grand homme dont le génie organisateur doit susciter et suscite en nous l'admiration. C'est que, nous autres, nous essayons d'être justes et quand nous voyons que des hommes, dont certains actes et certaines méthodes nous ont paru critiquables, ont réalisé une oeuvre magnifique, ont fait jaillir du sol, comme par miracle, des cités prospères, des édifices splendides, toute une civilisation qui ne demande qu'à s'épanouir et a déjà enfanté, sur un vieux sol, de nouvelles floraisons, nous avons le devoir de leur rendre justice."

Pour la Ligue, coloniser, c'est élever intellectuellement les indigènes. Ces bons Français se prennent pour des dieux :

Résolution votée au Congrès de Vichy, 1931
Cahiers des Droits de l'Homme du 30 mai 1931
"Le Congrès, se plaçant pour apprécier la colonisation au point de vue de la morale, de la fraternité humaine et des Droits de l'Homme;
Considérant que le régime colonial impérialiste fondé sur une spoliation originelle viole le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ; qu'il est particulièrement intolérable lorsqu'il se donne pour but l'oppression et l'exploitation d'un peuple et pour moyens d'action la violence, la dictature, l'arbitraire administratif ;
Considérant qu'à l'inverse, la colonisation peut se justifier si elle se donne pour but l'élévation intellectuelle et morale, le développement économique et l'émancipation d'un peuple, et pour moyens d'action, l'organisation de l'enseignement, la multiplication des oeuvres d'hygiène, le respect scrupuleux des droits de l'homme, l'institution d'assemblées représentatives, à la condition que ces assemblées assurent la représentation des indigènes dans des conditions d'égalité absolue avec les Européens ;
(...)
Demande, qu'à la colonisation impérialiste soit substituée une colonisation démocratique, qui se donne invariablement pour but de répandre ce qu'il y a de meilleur dans notre effort scientifique, dans notre idéal rationaliste et démocratique, ..."

"Pénétration pacifique", bien qu'il reste quelques "tâches de dissidence" à réduire :

"Pénétration pacifique". Récit du voyage au maroc de M. Guernut, député de l'Aisne, président du groupe parlementaire de la Ligue.
Séance du 17 novembre 1932. Compte-rendu dans les Cahiers de 1933 (P 116 et suivantes)
"M. Henri Guernut a parcouru les tribus récemment soumises. Il s'est entretenu en toute liberté avec les officiers, les soldats, les indigènes de toute classe. Si on lui demandait de traduire d'un mot son sentiment il dirait : la pénétration pacifique n'est pas une chimère, c'est une réalité encourageante.
Trois moyens principaux ont été employés : la route, le marché, le médecin.
Un travail prodigieux a été accompli : des pistes à flanc de montagne, des chemins carrossables tracés en quelques années par une main d'oeuvre indigène payée ou par une main d'oeuvre militaire, dans les entr'actes des opérations.
Ici et là, sur la route, on a créé des marchés ou se pressent les indigènes, même les indigènes des tribus insoumises sont admis ou appelés à s'y ravitailler.
A côté du marché, l'infirmerie où le médecin, accessible à tous, prend très vite une grosse influence sur les populations. Sustentés ou guéris, les indigènes, revenant dans leurs tribus, font de la propagande autour d'eux et peu à peu inclinent les camarades à se soumettre. (...)
Il reste encore trois "tâches de dissidence" à réduire. (...)"

Résolution du Congrès de 1936. Toujours la même rengaine : "Français d'abord !"

" Le Congrès,
Considérant que l'Algérie, terre française, se trouve être le refuge de nombreuses races ou nationalités qui ont tout intérêt à vivre dans un accord absolu pour la prospérité même du pays, que toute propagande qui ne soit pas purement française, c'est-à-dire inspirée des principes immortels de la "Déclaration des Droits de l'Homme" (...) ne pouvant par conséquent tendre infailliblement qu'à heurter les esprits..."
(Congrès national 1936. Compte rendu sténographique. p 504)

Cette motion est précédée d'une conception du monde très occidentale : on se partage les colonies et leurs richesses entre gens de bonne compagnie :

" Le Comité Central demande au gouvernement français de proposer sans retard la convocation d'une grande conférence européenne où toutes les nations se réuniraient sur un pied d'égalité, et de déposer sur le bureau de cette conférence une Charte de la Paix comprenant les six articles suivants :
(...) 4 - Etude d'une distribution équitable des mandats coloniaux et des matières premières."
(Congrès national 1936. Compte rendu sténographique. p 56)

La Ligue et l'affaire Stavisky

Dans les années 1930, Stavisky fut un escroc de haut vol. Il bénéficiait d'amitiés chez les parlementaires du parti Radical, de la Franc-Maçonnerie et de la Ligue des Droits de l'Homme. Les parlementaires qu'il avait corrompus tentèrent de couvrir ses escroqueries et d'étouffer les scandales par des trafics d'influence. Son procès est dix-neuf fois retardé.
Le scandale éclate néanmoins en décembre 1933. Le 8 janvier 1934, Stavisky est retrouvé mort , tué d'une balle de revolver. Il n'a pas pu parler, ni dévoiler le nom de tous ceux qu'il a corrompus.
Les premiers d'entre eux sont néanmoins connus : ce sont des parlementaires, membres de la Ligue française des Droits de l'Homme.


Parlementaires membres de la Ligue des Droits de l'homme, impliqués au premier plan dans l'affaire Stavisky :
- Gaston Bonnaure, député de Paris, avocat de Stavisky. C'est lui qui met l'escroc en contact avec Garat.
- Dominique-Joseph Garat, député-maire de Bayonne, co-organisateur avec Stavisky de la fraude et de la mise en circulation de faux billets par le Crédit Communal de Bayonne.
- André Hesse, député de Charente-maritime et autre avocat de Stavisky.
- Louis Proust, député d'Indre-et-Loire, Franc-maçon (compte-tenu des charges sur Proust et du risque pour le Grand-Orient, la Franc-Maçonnerie le laissera tomber en prononçant sa radiation immédiate).
- René Renoult, sénateur du Var, autre avocat de Stavisky.

La Ligue, pourtant prompte à s'émouvoir de la corruption chez les autres, s'interroge mollement :

Bureau du Comité Central de la Ligue. Compte-rendu de la séance du 15 février 1934
"M. Félicien Challaye a demandé que soit publiée dans les Cahiers la liste des députés et sénateurs appartenant au groupe parlemantaire.
Le secrétaire général indique qu'il lui manque encore un certain nombre de renseignements pour pouvoir publier une liste exacte et complète.
Il signale que deux membres du groupe parlementaire, MM. Bonnaure et Garat, députés, sont actuellement soumis à une procédure d'exclusion, mais qu'aucune décision définitive n'a encore été prise à leur égard par les sections auxquelles ils appartiennent."

En réalité, sections locales, fédérations départementales et Comité Central se renvoient la balle sans rien décider :

Compte-rendu de la séance du 12 avril. Cahiers du 20 mai 1934, p 341
Le secrétaire général a reçu de la Fédération d'Indre-et-Loire la lettre suivante :

Mon cher collègue,
Vous n'êtes pas sans savoir que le citoyen Louis Proust, député d'Indre-et-Loire, est président de la Section de Neuillé-Pont-Pierre de la Ligue des Droits de l'Homme.
A la suite de son audition par la Commission d'enquête parlementaire, le Bureau fédéral a décidé d'attirer l'attention de la section de Neuillé-Pont-Pierre sur la situation de son président...
Je vous serais reconnaissant de vouloir bien me faire connaître votre avis sur notre décision.
Si vous pensez que d'autres initiatives pourraient être prises à ce sujet, je vous demanderai de me les communiquer.

Le Bureau déclare approuver l'attitude de la Fédération, sous réserve des décisions complémentaires que le Comité Central du même jour pourra prendre."


Appel au Front Populaire pour sélectionner des fonctionnaires d'une obéissance "absolue" (vive la liberté de conscience et l'impartialité républicaine !)

Résolution du Congrès de 1936 :

Le Congrès, sur l'initiative des fédérations du Calvados, de l'Aveyron, de la Drôme, du Maine-et-Loire, de l'Aisne, du Loiret et de l'Algérie,
Considérant que l'application des lois républicaines ne peut être confiée qu'à des fonctionnaires d'un loyalisme absolu à l'égard du régime,
Fait confiance au Gouvernement pour procéder dans un délai aussi rapide que possible aux épurations qui s'imposent dans l'ensemble de nos administrations.
(Congrès national 1936. Compte rendu sténographique, p 510)


Les procès staliniens : la Ligue approuve...

Alors là, la position de la Ligue est carrément immonde.
Le Parti Communiste a, en 1936, accepté que ses militants adhèrent à la Ligue des Droits de l'Homme. Pour complaire aux nouveaux adhérents, la Ligue française s'aligne sur la version officielle soviétique du complot trotskyste lors des procès de Moscou. La Ligue crée une commission d'enquête qui rédige un rapport, le Rapport Rosenmark.
Les condamnés ont avoué. Comment ? Pourquoi ? Peu importe, ils ont avoué. Ce sont  des criminels et des traîtres, ils le disent eux-mêmes ; ils méritent leur peine, c'est-à-dire la peine de mort. Pas un mot sur la terreur qui règne à l'Est. La Ligue tire le rideau. Dans la Quatrième Internationale de mars-avril 1937, Trotsky qualifiera le Rapport Rosenmark sur les procès de Moscou de tâche indélébile sur la LDH de France.

La commission d'enquête de la LDH est constituée de 5 membres : Victor Basch, président de la LDH ; Albert Bayet ; Maurice Paz ; Boris Mirkine-Guetzévitch, juriste de la Ligue russe des Droits de l'Homme, et maître Rosenmark.

la question posée par Rosenmark est la suivante : "S'agit-il d'un procès qui a fusillé des adversaires politiques ? Ou est-ce un acte de salut public ?" La question montre de façon saisissante la proximité entre l'idéologie "républicaine" française et l'idéologie soviétique.

Voici deux extraits du Rapport de la Ligue Française des Droits de l'Homme sur les procès de Moscou (tirés de : Romain Pudal. Voir sources) :

"Devant des aveux aussi écrasants, devant un pareil agenouillement, devant, disons le mot, une telle bassesse d'âme des accusés, devant un repentir qui, s'il n'est pas un geste sublime de foi, nous apparaît d'une humilité dégradante, la réaction de beaucoup a consisté, malgré tout, à taxer d'invraisemblables de pareil aveux, à en nier la possibilité. Comme on ne peut cependant en contester la réalité matérielle on les suppose le fait de je ne sais quel marché ou le résultat de je ne sais quel extraordinaire maléfice médico-policier du Guépéou. Douter de pareils aveux, les attribuer à je ne sais quelle mystérieuse invention scientifique,c'est entrer dans le domaine des hypothèses les plus fantaisistes."

Justification de toutes les dictatures qui s'instaurent au nom du salut public :

"Il est des heures où une révolution ne peut être sauvée que par des mesures extrêmes et on ne saurait à certaines périodes se dispenser de recourir à des moyens exceptionnels. Le droit de légitime défense existe pour les individus, a fortiori existe-t-il pour les nations. Sans renier la Révolution française qui, selon le mot fameux, est un "bloc", nul ne saurait refuser à un peuple le droit de sévir contre les fauteurs de guerre civile, contre des conspirateurs en liaison avec l'étranger. Ce respect des principes est un devoir en période normale, mais en période de crise, en cas de péril intérieur ou extérieur, en présence de menées terroristes, il faut non pas blâmer mais louer les peuples et les régimes qui ont le courage d'instituer, s'il le faut, un tribunal révolutionnaire."

Les historiens français, lorsqu'ils décrivent cette sombre histoire, évoquent toujours ceux qui refusèrent l'abomination. La Ligue, rappelons-le, est née d'une affaire judiciaire assez proche, l'affaire Dreyfus. Les minoritaires portent-ils l'honneur de la Ligue ? Non. A en croire les ligueurs bretons d'aujourd'hui, les minoritaires ne portent jamais rien. Voici une illustration récente.
En 2008, un ouvrage est paru relatant l'histoire des nationalistes bretons qui, pendant la guerre 39-45, s'engagèrent dans le combat  antinazi et agirent dans la Résistance (Jean-Jacques Monnier,
Résistance et conscience bretonne 1940-1945. L'hermine contre la croix gammée , Ed Yoran Embanner, 399 pages. Préface de Mona Ozouf).
Une porte-parole de la Ligue Française des Droits de l'Homme en Bretagne s'éleva violemment contre cet ouvrage, considérant que la Résistance était "bafouée". Pour consulter le libelle complet, cliquez ici.
Le pamphlet nous explique que les minoritaires du nationalisme breton en 39-45 sont hypocrites ou dérisoires, l'historien ainsi que la préfacière sont mal intentionnés. L'histoire du nazisme est écrite et le jugement est tombé, précipitant dans l'abîme tous ceux qui s'y raccrochaient, de près ou de loin. La revendication bretonne est une revendication de damnés.
Appliquons le même raisonnement à nos juges. Il est tout à fait légitime de considérer comme dérisoires et hypocrites les ligueurs minoritaires de 36-38. L'histoire du communisme soviétique est écrite et le jugement est tombé.


La Ligue française et le droit des minorités

La réticence de la Ligue des droits de l'homme envers les droits des minorités ne date pas d'hier. En 1929, un voeu très caractéristique d'une adhérente de la LDH, soutenue par la section de Sisteron, est adressé à la commission féministe  :

" Féministe convaincue, mais laïque avant tout, plus attachée au régime actuel qu'à la possession de mon bulletin de vote, je verrais actuellement avec la plus grande appréhension la brusque arrivée de la femme dans la lutte politique à laquelle rien ne l'a préparée. Oserai-je prier la commission féministe, si elle s'occupe de l'émancipation politique de la femme, d'avancer sur ce terrain avec la plus grande prudence ? La campagne menée actuellement en faveur du vote des femmes, si elle portait ses fruits, me parait de nature à atteindre profondément notre régime, seul compatible avec la Déclaration des Droits de l'Homme."
in : Retour de Moscou (Voir sources) p 144

Ce voeu reflète une opinion générale de la Ligue selon laquelle le droit de vote des femmes présente un "péril clérical et réactionnaire". Aujourd'hui, la revendication bretonne suscite de la part de la Ligue les mêmes réactions et des interventions du genre : "Bretonne convaincue mais laïque avant tout ...".

Ligueurs, en plus du devoir envers le passé, vous avez comme nous un devoir envers le futur...

Vous avez fait preuve de complaisance coupable face à la colonisation. Vous avez été mouillés jusqu'au cou dans l'affaire Stavisky. Vous avez piétiné l'impartialité administrative. Vous avez été odieux lors des procès staliniens. Un pourcentage appréciable d'anciens de votre Comité Central de 1936 (Challaye, Delaisi, Chateau, Gérin) ont été des collaborateurs célèbres en 1940. Cela fait beaucoup.

Les historiens du futur vous accuseront-ils, en plus de ces fautes passées, de lâcheté et d'hypocrisie, à un moment où les droits des minorités s'inscrivent dans les nouveaux droits de l'homme et dans les  législations internationales ? Serez-vous, pour l'histoire, les Jésuites de l'ordre pyramidal  ?


Sources principales :
P. Jankowski. Cette vilaine affaire Stavisky, Ed Fayard, 2000
Coll. Retour de Moscou. Les archives de la Ligue des droits de l'homme, 1898-1940. Ed La Découverte, 2004
Congrès national de 1936. Compte rendu sténographique. Ligue des droits de l'homme, 1936
Pierre Pitois. Les buts politiques de la Ligue des Droits de l'Homme. Centre de propagande des républicains nationaux. Sans date.
Romain Pudal. Pour une analyse comparée de l’engagement politique des intellectuels en France et aux Etats-Unis lors des procès de Moscou de 1936-1938.
Sociétés contemporaines 2006- 4 (n° 64). p 95-113
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