Mercuriale d'octobre 2008        

            La revendication bretonne est-elle de droite ou de gauche ?
         Il existe en France une gauche idéologique forte, qui fait de l'identité politique une identité première. Dans la gauche française, l'idéologie est explicative, englobante, tragique. L'adhésion à l'épopée ouvrière ainsi qu'aux mythes républicains sont des pré-supposés culturels forts.
         La droite française, représentée par les présidents successifs issus de ses rangs, est plutôt pragmatique et tacticienne. L'identité de droite est consolidée par des mythes historiques nationaux, mais reste une identité faible. Les principes ont moins d'importance que les intérêts. L'idéologie est vécue comme une contrainte plutôt que comme une force.
            La différence entre les deux camps se détecte dans les domaines du social et de l'économique. La gauche accuse ceux de droite d'avancer en se servant des riches comme modèles. La droite accuse ceux de gauche de progresser en se servant des pauvres comme bouclier. La droite est libérale et se veut créatrice de richesses, tandis que la gauche est interventionniste et distributive. Le drame est sans doute que ceux qui organisent la création de la richesse ne veulent pas la distribuer, et que ceux qui veulent la distribuer comprennent mal comment elle se crée.

            Dans le mouvement breton, les uns se disent de gauche, les autres de droite. C'est normal. Dans l'Hexagone, Bretagne comprise, il faut s'affirmer de droite ou de gauche pour exister politiquement et être reconnu. Toutefois, lorsque le regard s'échappe de l'enclos français, ces contraintes deviennent relatives. Les gouvernants iraniens, chinois, russes, géorgiens, brésiliens, les indépendantistes kosovars ou abkhazes, les islamistes, bref tous ceux qui bougent aujourd'hui, sont-ils de droite ou de gauche ? Eux-mêmes se désintéressent de la question. Pour un peu, de Brest ou de Paris, on les verrait hausser les épaules. Certes, ce n'était pas le cas au temps de la guerre froide. Mais le vieux monde bipolaire s'est effondré. La France est néanmoins assez riche pour se permettre de mourir lentement en pensant comme autrefois.

            Un nationaliste breton est-il de droite ou de gauche ? L'habitude se maintient de lui prêter des paroles, des actes, des intentions. Bref, le nationaliste breton, tel qu'il apparaît dans les magazines ou sur les lèvres des intellectuels français, est le plus souvent un personnage inventé, comme fut inventé l'ectoplasme désopilant du communautariste. Ces êtres rêvés n'ont d'autre intérêt que de révéler, en décalque, les peurs et les fantasmes de leur créateur.

            Pourtant, l'objectif du nationaliste breton est facile à comprendre. Il est de donner aux Bretons une responsabilité sur les affaires bretonnes. On voit par là que notre homme est un interventionniste. Son objectif est l'émergence d'une souveraineté bretonne, qui serait en mesure d'assurer l'épanouissement de notre communauté humaine et de son capital culturel, spirituel et linguistique.
            En revanche, dans le cadre français et international, notre animal politique se comporte comme un libéral. Tout lui est bon pour diminuer la puissance politique française, vécue comme une puissance étrangère et hostile. Faute d'organisation bretonne, il fera plus volontiers confiance à des entreprises ou des organisations internationales. Ces dernières ne sont pas forcément bienfaisantes. Mais au moins, elles n'ont pas pour but de nous recouvrir d'une chape une et indivisible.

           Ainsi, le nationaliste breton apparaît-il comme étant volontiers de gauche pour les affaires intérieures bretonnes et de droite pour le reste. Ce relativisme politique n'a rien d'un scepticisme, encore moins d'un cynisme. Certes, il ne s'accorde pas avec l'idéologie française, friande de vérités universelles à la Dühring. Mais il s'accorde avec une éthique, des convictions fortes et un réalisme certain.
            Il faut remarquer, et celà est important, qu'il rejoint le relativisme politique des pays émergents. Voyez la Chine, l'Inde ou le Brésil. Ceux-ci associent des structures politiques interventionnistes en interne, et une acceptation des turbulences libérales de la mondialisation. Au dessus de tout celà, la nation donne du sens à l'économie et à la politique.

            Donnons-nous les moyens ; la Bretagne sera alors une nation émergente.
JPLM

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CC Mercuriale 200810