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Karl Marx et Friedrich Engels sont-ils les ancêtres de l'anti-communautarisme ?(Accusés, levez-vous !) |
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![]() Ferdinand Lassalle
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Un de ses premiers
adversaires fut Ferdinand Lassalle, fondateur du Parti Socialiste
allemand. Très francophile, Ferdinand Lassal, fils d'un riche négociant de Breslau, françisa son nom en 1846 pour se faire appeler Lassalle. A la différence des thèses marxistes, il considère que seul l'État peut garantir l’ordre, le droit et la justice. La justice sociale et le socialisme seront octroyés par l’État tout puissant. Selon Lassalle, " [l’État] pourra réaliser pour chacun d'entre nous ce qu'aucun d'entre nous ne peut réaliser pour lui-même" . On est en plein dans le rêve de l’État-providence et de son corollaire, la République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Lassalle est antilibéral ; pour lui, justice sociale et liberté sont contradictoires. Devant un tribunal prussien, il affirme : « Je défends avec vous, contre ces modernes barbares [la bourgeoisie libérale], l'État, cette vestale qui garde le feu immémorial de la civilisation. » |
"Vous savez que
libéral et
progressiste signifie petit-allemand.
Ce parti a constamment cherché à
exclure de l'Allemagne les territoires autrichiens. dans ce but, il a
tenté d'abolir dans la conscience
de la nation le caractère allemand de
ces pays. Il y avait presque réussi. C'est nous, c'est
l'Association
générale des Ouvriers Allemands, et c'est un de
nos titres de gloire et
de fierté, c'est nous qui les premiers avons rompu avec
cette
distinction artificielle, anti-naturelle, qui avons planté
notre
drapeau en Autriche comme dans les autres Etats allemands (...)" (F. Lassale. La propagande de l'Association générale des ouvriers allemands et les promesses du roi de Prusse. in : Discours et Pamphlets de Ferdinand Lassalle, Bibliothèque socialiste internationale, Ed Giard, 1903. Accessible sur bnf.fallica.fr) |
" L'Etat
libre, qu'est-ce à dire ? Faire l'Etat libre, ce
n'est nullement le but des
travailleurs qui se sont dégagés de la
mentalité bornée de sujets soumis.
(…).
La liberté consiste à transformer l'Etat,
organisme qui est mis au-dessus de la
société, en un organisme entièrement
subordonné à elle (…). " |
"... La dimension universaliste de la nation
en est profondément fragilisée, et celà au moment
même où chacun constate bien que la France peine à
faire face aux défis qui sont les siens aujourd'hui. Or cet universalisme est primordial dans le cas français
où le sens de la nation a été avant tout (mais pas
seulement) l'idée politique que la France rassemble les citoyens
français et non les membres de telle ou telle ethnie ou de tel
ou tel groupe humain ". (p 34) (Contre le communautarisme.
Julien Landfried, Ed Armand Colin 2007)
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Eugen Dürhing (1833 - 1921)Marx et Engels, après leur critique du programme de Gotha, n’étaient pas au bout de leurs peines. La socialisme allemand s’entichera des idées d'Eugen Dühring, qui professait un socialisme dont les grandes lignes se prolongent jusqu’à nos jours, y compris sous le masque du marxisme.
Dans son ouvrage
Anti-Dühring (1878), Engels
décrit le fossé
entre le marxisme et ce sous-communisme, pétri
d’arrogance nationale (prussienne). La
transposition dans le temps et dans l’espace vaut le
détour.
Les vérités éternelles |
![]() Eugen Dühring
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" Le fond anthropologique
français est
en effet marqué par la croyance profonde -tout
autant consciente et politique qu'inconsciente - que les hommes sont
égaux." (p 157) En France, on peut imaginer que la force de la réaction à la multiplication des cas de jeunes filles voilées provient de notre allergie aux comportements endogamiques." (p 158) " Il n'est pas question ici de nier le caractère patriarcal de la culture maghrébine." (p 159) "Plus en profondeur, c'est de notre croyance en l'égalité des hommes..." (p 160) (Contre le communautarisme.
Julien Landfried, Ed Armand Colin 2007)
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L'anti-communautarisme reprend les accents de Jules Ferry et du colonialisme de la Troisième république : "L'objectif [est] que la France reprenne sa vocation à l'universel partout où elle est, de par son histoire, particulièrement amenée à le faire." (p 176) (Contre le communautarisme.
Julien Landfried, Ed Armand Colin 2007)
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Engels : " C'est pourquoi nous repoussons toute prétention de nous imposer quelque dogmatisme moral que ce soit comme loi éthique éternelle, définitive, désormais immuable, sous le prétexte que le monde moral a lui aussi ses principes permanents qui sont au-dessus de l'histoire et des différences nationales.(…) " |
" Pour
établir
l'axiome de base que deux hommes et leurs vouloirs sont
entièrement égaux l'un
à l'autre et qu'aucun des deux n'a rien à
commander à l'autre, nous ne pouvons
nullement utiliser deux hommes quelconques. Il faut que ce
soient deux
hommes qui sont tellement affranchis de toute
réalité, de tous les rapports
nationaux, économiques, politiques et religieux existant sur
terre, de toutes
les propriétés sexuelles et personnelles, qu'il
ne reste de l'un comme de
l'autre que le simple concept d'homme :
c'est alors seulement qu'ils sont
“pleinement égaux”. Deux
fantômes
intégraux, évoqués par ce
même M.
Dühring qui
partout flaire et dénonce des démarches
“spirites”. Ces deux spectres sont
naturellement obligés de faire tout ce que celui qui les
évoque exige d'eux,
et c'est justement pourquoi tous leurs tours de force sont
suprêmement
indifférents au reste du monde. " |
La loi,
impératif moral : " Celui-ci n'est en rien problématique dans une république laïque comme la France tant qu'il demeure respectueux de la sanctuarisation de l'espace public..." (p 20) "... L'initiative du député-maire de Bègles, Noël Mamère, de marier deux hommes homosexuels dans sa mairie, au mépris de la loi..." (p 52) " En démocratie, les individus peuvent se regrouper comme bon leur semble tant qu'ils n'enfreignent pas la loi ..." (p 173) (Contre le communautarisme.
Julien Landfried, Ed Armand Colin 2007)
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[Dühring] Le
caractère de groupes naturels entiers et de classes de
civilisation entières
peut faire une nécessité inéluctable
de l'assujettissement de leur volonté
hostile par perversité, en vue de la ramener aux liens
collectifs. Ici
encore, la volonté d'autrui est
considérée comme pourvue d'un droit
égal; mais
par la perversité de son action préjudiciable et
hostile, elle a provoqué une
compensation, et lorsqu'il lui est fait violence, elle ne
récolte que le
contrecoup de sa propre injustice. ” [Engels] Ainsi, non seulement l'inégalité morale, mais aussi l'inégalité intellectuelle suffit pour éliminer la “ pleine égalité ” des deux volontés et pour établir une morale qui justifie toutes les infamies des États de proie civilisés contre des peuples arriérés, jusqu'aux atrocités des Russes au Turkestan (…). |
L'arnaque
dénoncée par Engels est aujourd'hui devenue l'arnaque anti-communautariste : " Répétons-le, la République a elle-même imaginé le cadre privé dans lequel les affinités communautaires peuvent librement s'exprimer, tout en imaginant une cité politique où l'intérêt général porte les individus au delà de leurs particularismes privés, quels qu'ils soient (ethniques, de genre, religieux, mais aussi sociaux). (p 178) (Contre le communautarisme.
Julien Landfried, Ed Armand Colin 2007)
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" Nous pouvons
en rester là. Il est superflu de suivre plus avant M.
Dühring dans la
démolition pièce par pièce de son
égalité construite d'une façon si
axiomatique, de sa souveraineté humaine universelle, etc.;
d'observer comment
il confectionne, il est vrai, sa société avec
deux hommes, mais a besoin d'un
troisième pour établir l'État, parce
que, - pour résumer brièvement la chose, -
sans ce tiers participant, nulles décisions ne peuvent
être prises à la
majorité et que sans ces décisions, donc sans
domination de la majorité sur la
minorité, aucun État ne peut exister; et comment
il gagne ensuite peu à peu une
voie plus calme pour construire son État “
socialitaire ” de l'avenir, où nous
aurons un beau matin l'honneur de lui rendre visite. Nous avons suffisamment vu que la pleine égalité des deux volontés ne subsiste que tant que ces deux volontés ne veulent rien ; que dès qu'elles cessent d'être des volontés humaines en tant que telles et se transforment en volontés réelles individuelles, en volontés de deux hommes réels, l'égalité cesse aussi; que l'enfance, la folie, la prétendue bestialité, la soi-disant superstition, le préjugé supposé, l'incapacité présumée d'une part, la prétention à l'humanité, à l'intellection de la vérité et de la science d'autre part, que donc toute différence dans la qualité des deux volontés et dans celle des intelligences qui les accompagnent justifie une inégalité qui peut aller jusqu'à l'assujettissement.(…) Ainsi, l'idée d'égalité, tant sous sa forme bourgeoise que sous sa forme prolétarienne, est elle-même un produit de l'histoire, dont la création suppose nécessairement des rapports historiques déterminés, lesquels, à leur tour, supposent une longue histoire antérieure. Elle est donc tout ce qu'on voudra, sauf une vérité éternelle.(…) |
L'égalité entre des volontés "qui ne veulent
rien" , on connait ... " Tant que les communautés sont des affaires strictement privées et qu'elles n'empiètent pas sur les libertés de l'individu, elles peuvent être parfaitement tolérées. A ces deux premiers critères, il faudrait aussi rajouter deux critères supplémentaires : l'absence de volonté de droits ou de législations spécifiques et la tolérance aux critiques. " (p 178) (Contre le communautarisme.
Julien Landfried, Ed Armand Colin 2007)
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" Nul particularisme dans
l'espace public, toute liberté aux particuliers de
s'exprimer dans l'espace privé." (p 177) (Contre le communautarisme.
Julien Landfried, Ed Armand Colin 2007)
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[Engels] " La
souveraineté de l'individu
consiste essentiellement en ceci que “vis-à-vis
de l'État, l'individu est dans un
état de contrainte absolue”, mais
cette contrainte ne peut se justifier que
dans la mesure où “elle sert réellement
la justice naturelle ”. (…). En vérité, M. Dühring a déjà si souvent fait ses preuves de brave Prussien ! Il se montre ici l'égal de ce Prussien modèle qui, d'après feu le ministre von Rochow, “ porte son gendarme dans le cœur ”. |
On
mène les moutons, non plus avec le bâton du gendarme, mais avec le
"patriotisme doux" de l'instituteur. Celui-ci devient le nouveau
garant de la soumission. La fermeté de la république et le patriotisme doux qui doit lui être adjoint repose notamment sur notre capacité à transmettre par l'Education nationale mais aussi par la tenue quotidienne d'un gouvernement républicain un ensemble de valeurs concrètes qu'il s'agit d'illustrer réellement " (p 177) (Contre le communautarisme.
Julien Landfried, Ed Armand Colin 2007)
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[Dühring]
“ Dans la
libre société, il ne peut y avoir de culte
; car chacun de ses membres a
dépassé l'illusion primitive et enfantine que
derrière la nature ou au-dessus
d'elle, il y a des êtres sur lesquels on peut agir par
sacrifices ou prières.
[Un] système de socialité correctement compris
doit donc... abolir tout
l'appareil de la sorcellerie cléricale et, par suite, tous
les éléments
essentiels des cultes. ” |
[Engels] " Lorsque la
société,
par la prise de possession et le maniement planifié de
l'ensemble des moyens de
production, se sera délivrée et aura
délivré tous ses membres de la servitude
où les tiennent présentement ces moyens de
production produits par eux-mêmes,
mais se dressant en face d'eux comme une puissance
étrangère accablante;
lorsque donc l'homme cessera de simplement proposer, mais aussi
disposera, -
c'est alors seulement que disparaîtra la dernière
puissance étrangère qui se
reflète encore dans la religion, et que par là
disparaîtra le reflet religieux
lui-même, pour la bonne raison qu'il n'y aura plus rien
à refléter.(…) M. Dühring ne peut pas attendre que la religion meure de cette mort naturelle qui lui est promise. Il procède de façon plus radicale. Il est plus bismarckien que Bismarck; il décrète des lois de mai aggravées, non seulement contre le catholicisme, mais contre toute religion en général; il lance ses gendarmes de l'avenir à la poursuite de la religion (…) |
[Dühring] “
Les
langues mortes sont complètement laissées de
côté... Quant
aux langues
étrangères vivantes... elles resteront quelque
chose d'accessoire. ” |
En France, le
pluralisme linguistique réveille un délire
apocalytique : "... Elle [La Charte européenne des langues régionales et minoritaires] énumère la liste des obligations contraignantes qui s'appliqueront aux États qui ratifieront la Charte et qui l'obligeront notamment à donner - pour les "minorités" considérées - le droit à utiliser leur "langue minoritaire" dans leurs relations avec l'administration et l'État. Les concepteurs de la Charte l'ont imaginée comme un cheval de Troie des ethnonationalismes pour détruire les États-nations et l'espace français en particulier." (p 145) "Frauduleusement présentée comme visant à la défense d' "identités" linguistiques menacées, la mise en oeuvre de la Charte des langues régionales et minoritaires (...) ne signifierait rien de moins que l'explosion du cadre politique français et le fractionnement de la France en régions prises en otage par des minorités militantes ethnolinguistiques." (p 147) (Contre le communautarisme.
Julien Landfried, Ed Armand Colin 2007)
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[Engels] L'horizon national
borné de l'homme d'aujourd'hui est encore beaucoup trop
cosmopolite pour M. Dühring. Aussi veut-il abolir
encore les deux leviers qui
offrent du moins dans le monde actuel l'occasion de se hausser
au-dessus du
point de vue national borné : la connaissance des langues
anciennes qui ouvre,
au moins aux hommes de tous les peuples qui ont reçu
l'éducation classique, un
horizon commun élargi, et la connaissance des langues
modernes, nécessaire aux
hommes des différentes nations pour pouvoir se comprendre
entre eux et
s'informer de ce qui se passe en dehors de leurs propres
frontières. Par
contre, on vous fourrera consciencieusement dans la tête la
grammaire de la
langue nationale. (…) |
il nous est permis de ramener à des causes personnelles mainte erreur et mainte vanité scientifiques, incompréhensibles autrement, et de résumer notre jugement d'ensemble sur M. Dühring par ces mots : irresponsabilité due à la folie des grandeurs. |