Mercuriale de septembre 2008

"Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde :
On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
De cette vérité deux fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde. " (Jean de La Fontaine)

            La Russie et la Bretagne. La Chine et la Bretagne. Russes et Chinois ont-ils lu la fable de La Fontaine Le Lion et le Rat  ? Ou alors la Colombe et la Fourmi ?

         La guerre de Géorgie nous montre que la tension entre grandes puissances, ici la Russie et l'OTAN, peut bénéficier à des minorités nationales, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud.
        Pour conclure une guerre, l'annexion de territoires n'est plus acceptable. On ne peut plus mépriser l'avis des populations locales. Il reste à créer des nouveaux États amis, en favorisant la sécession chez l'ennemi et en reconnaissant les nouveaux États indépendants. Cette stratégie correspond à la morale politique actuelle et aux textes internationaux. Personne ne peut hurler à l'impérialisme ni au déni de démocratie, dans un monde massifié où l'identité est parfois la seule richesse des peuples périphériques. L'équilibre de la terreur entre États-nations ("tu ne favorises pas mes minorités et je n'encourage pas les tiennes") pourrait bien se rompre. Alors, les scénarios de multiplication des États et quasi-États d'ici la fin du siècle (les experts de la NBER/USA en prévoient plus de 500 ; Jacques Attali plus de 1000) pourraient bien se réaliser rapidement. Compatriotes Bretons, il faut s'y préparer. Nous sommes concernés.

        Nous reviendrons sûrement sur la Russie, qui vient de rompre l'omerta des États-nations. Mais sortons d'abord de l'été. L’actualité s’y est focalisée sur les débats  constitutionnels et sur les Jeux Olympiques de Beijing. Les Français se sont intéressés aux Jeux Olympiques chinois à partir des enjeux sportifs français. Nous allons mixer l’actualité dans un autre sens, en nous intéressant aux enjeux politiques français à partir de la Constitution chinoise.

        D’un point de vue politique, la Constitution Chinoise de 1982 se réfère à la dictature du prolétariat. Son article 1 est sans ambiguïté : « La République populaire de Chine est un État socialiste de dictature démocratique populaire dirigé par la classe ouvrière et fondé sur l'alliance entre ouvriers et paysans ».
        Comme tous les Occidentaux, les Bretons d’aujourd’hui, dans leur immense majorité, sont opposés à la dictature, fût-elle exercée au nom du peuple. Ils se sont par le passé opposés à la dictature de Salut Public, qui est la version citoyenne de ce genre de dictature. Cela nous vaut une solide réputation contre-révolutionnaire chez les républicains français, alors que notre tradition depuis 500 ans est de distance envers l’autorité centrale, qu’elle soit royale, de salut public, napoléonienne ou républicaine.

        La politique ne nous pousse pas vers la Chine. Mais qu’en est-il du point de vue géopolitique, et du rôle d’une diplomatie bretonne encore à construire ? Certes, aujourd’hui, la Chine n’est pas en guerre contre la France ou l'Europe. Nous sommes quatre millions, et les Chinois sont plus de 300 fois plus nombreux que nous. Ils n’ont sans doute pas lu les fables de La Fontaine citées plus haut. Pourrions-nous, misérables rats ou pauvres fourmis, intéresser l’immense Chine ? Eux, les nouveaux industriels du monde, seraient-ils intéressés par un Hong-Kong d’extrême-occident ? Cela vaudrait assurément la peine de le leur demander.

        Les Chinois ont-ils des traditions de type jacobin, qui obstrueraient leurs oreilles ? Leur Constitution réserve des surprises. On peut y lire des morceaux comme ceux-ci :
Préambule : La République populaire de Chine est un pays multi-ethnique (…).
il faut s'opposer au chauvinisme de grande ethnie, et en particulier au chauvinisme grand Han (…)
Article 4 : Toutes les ethnies de République populaire de Chine sont égales. L'Etat protège les droits et intérêts légitimes de toutes les ethnies, maintient et développe des relations inter-ethniques fondées sur l'égalité, la solidarité et l'entraide. Toute discrimination ou oppression d'une ethnie, quelle qu'elle soit, est interdite (…)°
Tenant compte des particularités de chaque ethnie minoritaire, l'Etat aide les régions d'ethnies minoritaires à accélérer leur développement économique et culturel.
Les régions où se rassemblent les minorités ethniques appliquent l'autonomie régionale ; elles établissent des organes administratifs autonomes et exercent leur droit à l'autonomie.
 
        Bien sûr, la Constitution chinoise condamne le séparatisme et une répression sévère est promise aux dissidents. Celà n'a rien d'exceptionnel. Tous les États et toutes les nations défendent l'intégrité de leur territoire.
    Les parlementaires français paraissent à la fois timorés, confus et hypocrites en regard de la Constitution chinoise. Celle-ci fait clairement la différence entre le droit de transmettre et le projet de séparer. Ils reconnaissent l’un, bien plus ouvertement que les Français. Ils répriment l’autre, bien plus aussi que les Français.
        Dans l’Hexagone, les deux revendications sont quasiment confondues. La transmission de l’héritage culturel et linguistique breton est si contrariée qu’elle se lie naturellement avec le projet de sécession. Est-ce un bien, est-ce un mal ? C'est une réalité qui nous est imposée depuis si longtemps qu'elle a engendré une logique de libération.
JPLM

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CC Mercuriale 200809