« Quand on
veut plaire dans le monde, il
faut se
résoudre à se laisser apprendre beaucoup de
choses qu’on sait par
des gens qui
les ignorent. » (Nicolas
Chamfort
)
Un
fossé s’est creusé entre la
laïcité française et le
savoir moderne. On se souvient du livre de Daniel Sallenave,Dieu.com,
qui faisait le constat goguenard que les nouvelles technologies
étaient
particulièrement bien maîtrisées par
les
obscurantistes. Au temps de Galilée, ils refusaient
l’idée que la terre tourne. Aujourd’hui,
ce sont les lumiéristes
qui considèrent que le monde virtuel ne tourne pas rond.
Ironie
et
retournements de l’histoire.
Les
maîtres qui savaient –et qui ne savent plus- ont
gardé
l’habitude de pontifier. L’arrogance
française persiste à nous apprendre des
choses que nous savons et qu’elle ignore. En voici deux
exemples récents :
Sur son blog,
à la date du 23 septembre 2007, le sénateur
Jean-Luc Mélenchon nous
donne un cours
de linguistique bretonne. Il assure qu’il n’existe
pas une langue bretonne,
mais cinq. Devons-nous lui faire découvrir les
œuvres en moyen-breton du
XVIème, l’unification orthographique du
XVIIème ? Devons-nous rappeler les
directives de la Troisième république pour
mythifier les dialectes bretons,
dans le cadre de sa stratégie de destruction ?
Devons-nous faire remarquer
que M. Mélenchon ne parle pas breton, et qu’il
n’y connaît rien ? Goebbels
disait « Quand j’entends le mot culture, je sors
mon revolver ».
Notre bon sénateur pourrait aisément le
paraphraser : « Quand
j’entends le mot culture
bretonne, je sors mon ignorance ».
En septembre dernier, la Breizh Touch a fait
se lever de
leur fauteuil de moleskine quelques compatriotes torturés
par la haine de soi.
Les Bretons font la fête sur les Champs
Elysées : c’est insupportable. Ah,
plutôt les pas cadencés du 14 juillet !
Il faut remettre les vaincus à leur place, le tête
basse derrière le char du vainqueur !
On a
vu apparaître le terme de « marketing
identitaire » : un
phénomène nouveau donc suspect. Tout ce qui bouge
est suspect à leurs yeux ; alors, vous pensez, des
danseurs et des
sonneurs !
Là
encore, nos anticommunautaristes voudraient nous
apprendre ce que nous savons et qu’ils ignorent. Ce que
l’on appelle marketing
tribal (et non marketing identitaire)
date déjà de quelques années.
Il constitue une caractéristique des
sociétés post-modernes. Le marketing
relationnel classique vise à créer un lien entre
le client et le produit. Le
marketing tribal vise à créer une relation entre
les membres d’une même communauté,
ce lien étant le produit. Dans le marketing tribal,
c’est l’entreprise qui doit
être fidèle à ses clients, et non
l’inverse. Il existe un marketing tribal
breton, tout comme il existe un marketing tribal racaille. Il
n’existe pas de marketing tribal français parce
que la réalité est
cruelle : il n'y a pas de marché. Pourtant le
langage furieusement décalé de la
laïcité à la française (« A
bas la calotte et vive la sociale »)
pourrait unir des communautés
déjantées.
Cela dit, il ne
faut pas tout mélanger. Comme la France, le grand capitalisme
vise à l'universel. Il est limité par les
identités, dans les pays
à
forte culture comme la Bretagne. Dans la Breizh Touch, il
n’y avait ni les T-shirts ni les casquettes
ni les musiques qui utilisent le marketing tribal.
Si la
société marchande n'avait pour
détracteurs
que les anti-communautaristes français, elle ne craindrait
pas
grand chose. Et ne comptez pas sur eux pour changer le monde : ils n'y
comprennent rien.