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d'appartenance ou d'allégeance ?
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BLEU-BLANC-ROUGE
LES
ORIGINES
DU DRAPEAU FRANÇAIS
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Bien des légendes ont couru sur ce symbole de la
République française. L'histoire retient que le
17
juillet 1789, trois jours après la prise de la bastille,
Louis
XVI est convié à la mairie de Paris. En
présence
de Lafayette, Bailly, le maire de la ville, lui offrit une cocarde
bleu-blanc-rouge en disant : "Votre
majesté veut-elle bien accepter le signe distinctif des
Français?"
Le
roi l'accepta et l'accrocha au revers de
son chapeau.
Lafayette revendique l'invention de la cocarde tricolore. Le blanc
représente la royauté ; le bleu et le rouge sont
les
couleurs de Paris.
Dans la gazette de Leyde, du 24 juillet, il est écrit :
" M.
Bailly a
présenté à Sa Majesté la
cocarde royale et
bourgeoise, réunissant les couleurs bleu, blanche et rose :
le
Roi a permis qu'on la mît sur son chapeau et l'a
montrée
au peuple."
" Royale et
bourgeoise " ...
Le
symbole tricolore de
la
République serait-il une synthèse entre
l'arrogance
parisienne et
la fatuité
monarchique ?...
Cela
concorde bougrement
avec la réalité... Que le symbole ait
exprimé la
réalité, ou que la réalité
ait rejoint le
symbole, cela n'a aujourd'hui plus d'importance. Il y a concordance, et
c'est tout.
Mais voici quelques
compléments...
La cocarde existe avant le 17 juillet 1789. Les journaux de deux
députés du Tiers Etat, Adrien Duquesnoy et J.-A.
Creuzé-Latouche, attestent son existence dès le
mercredi
15. De son côté, le libraire Hardy
écrit dans son
Journal, sous la date du mardi 14 : "
On
commençait
à
changer les cocardes de couleur, en faisant succéder le
rose, le
bleu et blanc à la couleur verte ".
Le vert
était
la couleur adoptée par les Parisiens le 12 juillet, en signe
de
soulèvement, à l'instigation de Camille
Desmoulins. La
cocarde verte fut abandonnée quand on s'aperçut
que
c'était aussi la couleur de la livrée du comte
d'Artois.
Le comité des électeurs avait
institué, par un
arrêté du 13 juillet, une garde bourgeoise ou
milice
parisienne, qui se voyait en même temps attribuer une cocarde
bicolore (bleu et rouge).
"
Comme il est nécessaire que chaque membre qui compose cette
milice parisienne porte une marque distinctive, les couleurs de la
ville ont été adoptées par
l'Assemblée
générale ; en conséquence, chacun
portera la
cocarde bleu et rouge. Tout homme, qui sera trouvé avec
cette
cocarde sans avoir été enregistré dans
l'un des
districts sera remis à la justice du comité
permanent. " |
Cette origine de la naissance de la cocarde tricolore le 13 juillet est
confirmée par la lettre d'un négociant, Failly,
écrite le 23 juillet 1789 :
" [le
lundi 13] On arrêtait tous ceux qui étaient
armés
sans être en patrouille, on les désarmait et,
s'ils ne
nommaient pas leur district, on les conduisait provisoirement en
prison. On donna d'abord pour passeport la cocarde verte, mais, le
soir, réfléchissant que cette couleur
était la
livrée du comte d'Artois, on la prit rose, bleu et blanc. " |
" La quinzaine mémorable " est le
journal d'un
Parisien du 12 au 30 juillet, parue dès les premiers jours
d'août. L'auteur écrit, à la date du 14
juillet,
avant 8 heures du matin : "Grands et
petits de tout état ont arboré, par ordre de la
ville, la
cocarde bleu, rouge et blanc ".
Cet " ordre de la ville " n'a pas été
retrouvé, mais un arrêté de
l'Assemblée des
représentants de la Commune, en date du 4 octobre 1789,
note que " les
arrêtés
précédemment rendus, qui
sont en tant que de besoin confirmés, continueront
d'être
exécutés "
et "
déclare que la cocarde
aux
couleurs rouge, bleu et blanc est la seule que les citoyens doivent
porter ".
Un décret du 4 juillet 1792 rendit obligatoire le port de la
cocarde tricolore pour les Français se rendant à
l'étranger. Un décret du 17 septembre de la
même
année punit de mort quiconque porte une cocarde non
réglementaire. Le 3 avril 1793, la Convention rend le port
de la
cocarde obligatoire pour tous les hommes et le 21 septembre elle
étend l'obligation aux femmes. Pendant la Terreur, la
Convention
impose le drapeau tricolore bleu-blanc-rouge. " A compter du 1er
prairial an II (20 mai
1794), le pavillon sera formé des trois couleurs nationales
disposées en trois bandes égales
posées
verticalement "
A
vrai dire, les ouvrages antérieurs sur le symbolisme des
couleurs apportent des informations troublantes...
A
propos des funérailles d'Henri IV, Favyn décrit
en 1620 "
la cornette des couleurs et
livrées de Sa majesté très
chrétiennes,
Orengé, Blanc et Bleu "
Dans L'Etat de la
France 1718 par L.
Trabouillet, Chapelain du Roy
(1718), le bleu-blanc-rouge représentent les couleurs du roi
:
" Le
colonel du
Régiment de Gardes Françoises, le colonel
général des Suisses, mettent six drapeaux des
couleurs du
Roy blanc, incarnat et bleu, passez en sautoir derrière
l'écu de leurs armes. " |
Le Traité des marques nationales (1739), de Beneton de
Morange ,
disserte sur les couleurs qui composent la livrée du roi.
"
J'ai
montré que ces trois couleurs ont été
successivement celles qui ont désigné les
Français
: savoir le bleu, sous les deux premières races de nos rois;
le
rouge, sous la troisième jusqu'à Charles VI, et
le blanc,
depuis Charles VII jusqu'à présent ; ainsi pour
composer
une livrée pour nos rois qui fut capable d'indiquer
l'ancienneté de la monarchie, on n'a eu qu'à
rassembler
les couleurs qui, en différents temps, l'ont
désignée. ". |
Le bleu est la couleur du manteau de Saint Martin, riche et
généreux gallo-romain ; elle aurait
été
adoptée pour cette raison par les rois
mérovingiens et
carolingiens. Le rouge est la couleur de saint Denis, martyr
apôtre des Gaules, premier évêque de
Lutèce.
L'oriflamme des Capétiens était pour cette raison
rouge
vif. Le blanc serait le drapeau de Jeanne d'Arc, et la couleur de la
vierge Marie. Les Français auraient abandonné le
rouge
à cette époque pour prendre le blanc. La raison
en serait
que les Anglais, pour afficher leurs prétentions
à la
monarchie française, avaient pris le rouge. Henri IV faisait
de
son panache blanc le signe de ralliement des Français.
La
dynastie royale, qui se
légitimait par l'ancienneté, pouvait ainsi
additionner le
bleu, le rouge et le blanc. La cocarde est donc bien " royale et
bourgeoise " comme le dit le journal de Leyde.
Il n'y a donc aucun mystère que Louis XVI ait
accepté
volontiers la cocarde tricolore le 17 juillet 1789. Les
Républicains les plus farouches saluent ce symbole de la
continuité monarchique française. C'est ce que
l'on
appelle une " ironie de l'Histoire ". Cela fait partie de ces actes
manqués significatifs, chers à nos subtils
psychanalystes.
Sur l'inquiétante présence du drapeau français, voir aussi "D'un drapeau l'autre"
Source
principale : site
www.1789-1815.com / Bernard Coppens

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version 1.2