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MAURIAC (François) (1885-1970)"Dieu
n'est pas un
artiste ; M. Mauriac non plus"
(Jean-Paul Sartre. NRF Février 1939) |
Les paroles du
maréchal Pétain, le
soir du 25 juin, rendaient un son presque intemporel: ce
n'était
pas un
homme qui nous parlait, mais du plus profond de notre histoire nous
entendions monter l'appel de la grande nation humiliée. Ce
vieillard
était délégué vers nous par
les morts de
Verdun et par la foule
innombrable de ceux qui, depuis des siècles, se transmettent
ce
même
flambeau que viennent de laisser tomber nos mains débiles. Une voix brisée par la douleur et par les années nous apportait le reproche des héros dont le sacrifice, à cause de notre défaite, a été rendu inutile... |
Il y a, dans
l'excès de malheur,
une sorte de paix qui
naît de cette certitude que l’on ne saurait tomber
plus has
: c'est le repos du
fond de l'abime. Au soir de l'armistice nous ne pensions pas qu'il put
rien
nous arriver de pire, et il ne restait à chacun de nous que
de
veiller et de
prier avec notre peuple en agonie... Et puis, tout a coup, ce
retournement de l'Angleterre
contre nous, ce guet-apens de Mers El-kébir, et tous ces
marins
sacrifiés... M. Winston Churchill se souvient-il de ce qu'il a coûté d'efforts aux ouvriers de l'Entente Cordiale, à Paul et à Louis Cambon, à Delcassé, au roi Edouard VII, pour vaincre la vieille inimitié, pour conjurer cette haine héréditaire qu'entretenaient entre les deux peuples les souvenirs de la guerre de Cent Ans, une histoire sombre et cruelle, jalonnée par le bûcher de Rouen, par Sainte-Hélène, par Fachoda? Notre génération avait remonté ce courant... et tout a coup ce suprême malheur, le seul auquel nous ne nous fussions pas attendu, les corps de ces marins que chacun de nous veille dans son cœur : M. Winston Churchill a dressé pour combien d'années, contre l'Angleterre, une France unanime? Nous essayons de comprendre, mais rien peut-être ne mesure mieux l'abîme qui sépare les deux peuples que ces gestes de l'un qui paraissent à l'autre inexplicables, monstrueux. Le Désert de l'amour, c'est le titre de l'un de mes premiers romans : ce désert qui sépare les êtres, même qui s'aiment, sépare aussi les nations qui se croient unies. Elles ont longtemps cheminé ensemble la main dans la main, elles ont triomphé, elles ont été vaincues ensemble. Et tout a coup, la plus faible, à l'heure où elle n'avançait plus qu'à peine, ayant perdu beaucoup de sang, se voit assaillie, prise à la gorge, et elle ne reconnaît plus cet horrible visage de Gorgone penché sur elle, ce cher visage qu'elle avait aimé. |
"Où
trouverons-nous plus éclatant, plus cinglant
désavoeu de
la politique suivie par le grand organe dont vous êtes
aujourd'hui l'un des dirigeants ? Inlassablement, ce journal,
jusqu'à la fin de 1942, a tressé des couronnes
à
Pétain et à Laval et a, dans leur sillage,
engagé
d'excellents Français, dont certains payent aujourd'hui de
leur
liberté le crime d'avoir trop bien suivi ses conseils.
Certes,
à partir de Montoire, votre collaboration personnelle
à
cette feuille resta-t-elle d'ordre littéraire, mais vous
n'ignoriez pas quelle marchandise (politique) était vendue
sous
votre pavillon (de lettres)". (Jean
Maze. François
Mauriac,
inventeur. dans Ecrits de
Paris, Juin 1950)
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Dédicace
de François Mauriac à un officier allemand
(lieutenant
Heller) de son roman, La pharisienne,
paru en 1941 avec l'accord de la censure allemande. C'est le lieutenant Heller qui organisa le voyage de sept écrivains français (Marcel Jouhandeau, Jacques Chardonne, Robert Brasillach, Pierre Drieu la Rochelle, Ramon Fernandez, Abel Bonnard et André Fraigneau) au Congrès de Weimar en 1941, sur demande de Goebbels, relayée par Otto Abetz. L'objectif du congrès était de présenter les qualités du nazisme à l'intelligentsia française, avec qui le lieutenant Heller était en relation et dont il connaissait parfaitement les inoffensives postures de "résistance" (Mauriac, Sartre, Aragon, ...). |
Nous
avons
d'ailleurs un moyen bien simple, nous adressant aux
gens de bonne foi, de prouver l'indépendance absolue du
«
Front National » a l'égard
des partis politiques, c'est de citer quelques noms pris parmi ceux des
personnalités qui composent le comité directeur. Les voici : MM. Frédéric Joliot-Curie, Prix Nobel, membre de l'Institut, professeur au Collège de France; François Mauriac, de l'Académie française; Mgr Chevrot, curé de l'eglise Saint-Francois-Xavier, à Paris; Henri Wallon, professeur au Collège de France; Ernest Perney, vice-président d'honneur du parti radical et Radical-Socialiste; Max André, ancien vice-président de la Fédération parisienne du parti Démocrate Populaire; Benoît Frachon, secrétaire de la Confédération Générale du Travail; le révérend Père Philippe, provincial des Carmes de Paris ; J. Debu-Bridel, représentant au C. D. R. de la Fédération Républicaine, directeur politique du journal Front National. Nous pourrions y ajouter les noms des membres du Comite directeur de l'Ile-de-France, travaillant côte à côte, dans la plus significative des cordialités : M. le sénateur Paul Fleurot, conseiller municipal de Paris, et M. l'abbé Jeglot, aumônier honoraire du lycée Louis-le-Grand; M. Marcel Cachin, sénateur de la Seine, directeur de I'Humanité, et M. le général Capdevielle, commandant la gendarmerie de l'Ile-de-France, etc. Qui croira, à moins d'avoir perdu toute lucidité d'esprit, que ces personnalités dont les origines, la formation spirituelle, les tendances politiques et les milieux dans lesquels ils évoluent sont si divers, puissent rester unies si au sein même du « Front National » un parti quelconque tentait d'accaparer cette organisation pour l'exploiter au profit de sa politique particulière? L'absurdité d'une pareille hypothèse nous dispense d'insister... (La
Marseillaise de Seine-et-Oise, 25 novembre 1944)
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Il
était impossible d'être dans la
Résistance sans se
trouver du même côté
que les Communistes et mêlé à eux,
voilà le
fait ; et qu'un
gouvernement français pût être
formé en
dehors d'eux n'était même pas
imaginable.... |
J'ai été un gaulliste de la première heure. |
C'est
dans notre malheur une grande chance que le parti
communiste ait reçu l'ordre de se démasquer et de
montrer
sa vraie figure. Enfant
j'avais horreur des masques. Le jour du mercredi des Cendres,
à
Bordeaux, la
ville leur était livrée, et je me souviens de mon
malaise
devant ces mufles de
carton, devant ces monstres sans regard. II m'est toujours
resté
quelque chose
de cette phobie... |