MERCURIALE DE FÉVRIER 2011


Logo Bretagne
Le site www.contreculture.org adopte fièrement la nouvelle marque "Bretagne".
Compte tenu du prix qu'il a coûté au Conseil régional (plusieurs centaines de milliers d'euros), ce logo est forcément bien pensé. Le drapeau breton traditionnel est composé de quatre bandes blanches figurant les quatre pays bretonnants, et de cinq bandes noires symbolisant les cinq pays gallo. Le new logo diminue ce nombre ; la décroissance est dans l'air du temps. Il s'adapte aux découpages administratifs actuels. Les trois bandes blanches représentent les départements bretonnants (Finistère, Côtes d’Armor et Morbihan). Les bandes noires intercalaires représentent les deux départements bretons (Loire-Atlantique et Ille-et-Vilaine) qui y gagneraient à se tourner vers l'ouest. "Go West, young men, and grow up with the country !"
Si par malheur la francisation nous dévore, nous ne brandirons plus qu'un drapeau noir.

Identité-alliage et identité-mosaïque

 
           Allez, quelques exercices de logique pour se réchauffer les neurones !
          Existe-t-il une identité bretonne ? La réponse positive est évidente pour tout le monde. Toutefois, les explications divergent. Pour les uns, c’est l’histoire qui fait de la Bretagne une région à identité forte. Pour d’autres, ce sont des critères culturels. Pour d’autres encore, des particularités géographiques, climatiques, voire génétiques. En tout cas, il n'y a derrière cette singularité aucune vérité officielle, aucun certificat ; seulement une réalité observée ou ressentie.
 
            Sommes-nous bretons parce que nous sommes français ? Non. Une identité première n’a pas le pouvoir d’affecter à une de ses parties une identité secondaire, différente d’elle-même. La plus belle femme, dit-on, ne peut donner que ce qu’elle a. Les différences bretonnes ont des origines historiques, culturelles ou géographiques qui n’appartiennent pas à la France.
            Sommes-nous français parce que nous sommes bretons ? Oui, en effet. La Bretagne a été unie à la France en 1532,  tout en restant "province réputée étrangère". En 1789, elle s’est fondue administrativement dans la toute nouvelle unité française. Nous sommes Français parce nous ne sommes pas des sans-papiers ; nous sommes administrativement reconnus, signalés comme français.
            L'existence précède le signalement. Des deux prémisses précédentes, nous pouvons déduire que nous sommes Bretons avant d’être Français.
 
 
            Les identités françaises et bretonnes sont-elles comparables ?
            L’identité bretonne est insuffisante. La Bretagne est trop exiguë pour que l’on puisse s’y replier. Celui qui parle breton est toujours un personnage composite, un multilingue. Nous ne pouvons pas nous contenter non plus de notre littérature ou de notre philosophie ; nous sommes contraints au multiculturalisme. Enfin, l'identité bretonne est non seulement insuffisante, mais amputée. La Bretagne est une nation sans État. Nous n’avons aucune identité bretonne de type administratif ou juridique.
           L’identité française est différente. Elle est suffisante en elle-même. Elle balaie non seulement l’histoire, la culture, la géographie, mais aussi le juridique et l’administratif. On peut s'y replier ; une vie humaine ne peut épuiser les richesses de sa littérature ou de sa culture. L’identité française, individuelle ou collective, se conçoit comme un alliage réalisé à partir de plusieurs minerais dont l'un domine largement les autres et assure la ressemblance de tous. C’est cette conception qui prévaut à travers les concepts d’assimilation ou d’intégration. Le métissage dont on nous rebat les oreilles est un état transitoire qui permet de retomber tôt ou tard dans un modèle unitaire, en usant d’un peu de patience et de tolérance.
           Si nous revendiquons l’identité bretonne, celle-ci ne peut se concevoir sur le modèle français. Comme toutes les identités minoritaires, ce n'est pas un alliage, mais une mosaïque. La pièce centrale en est l’appartenance à la communauté bretonne. Mais ce ne peut pas être la pièce unique. La pièce administrative et juridique est française. Elle devient, de plus en plus, européenne ; et cela nous plait. Certes, nous pouvons revendiquer un État breton, ou une quelconque reconnaissance juridique et administrative de la Bretagne. Mais cela ne changera pas grand chose à notre identité. Et ce qui changera, on ne sait pas si c'est en bien ou en mal. Faire partie d'une minorité revendicative nous force à être debout. Si une reconnaissance juridique nous permet de nous asseoir, fût-ce à l'ONU, le repos nous sera-t-il bénéfique ?
            Que doivent être les autres pièces de notre puzzle identitaire ? Il n'y a plus aujourd'hui aucune règle. Le provincialisme s’attachait à ce que toutes les autres pièces soient françaises. Heureusement,  il existe des horizons plus attrayants pour les Bretons que d’être des provinciaux. L'identité bretonne est une mosaïque dont le centre est connu, mais dont le reste est laissé à la volonté ou à l'histoire de chaque Breton.
 
            Quelle est l’identité la plus ouverte sur le monde ?
          Ceux qui possèdent dès le berceau une identité suffisante s’en contentent généralement. La plupart des francophones ou des anglophones sont monolingues. Ils accusent volontiers les multilingues bretons de repli identitaire. Ces pauvres monolingues ont mauvais caractère, mais il faut convenir qu'ils n'ont pas de chance. Il faut de l’énergie pour aller au-delà d’un confort qui fait partie de leur environnement quotidien. Chez eux, le multiculturalisme correspond à une fantaisie, à une ambition ou à une tolérance. Ces vertus n'ont aucune signification dans une France où l’appartenance est définie par la citoyenneté, c’est-à-dire par des papiers d’identité et par la soumission aux lois.
           Ceux qui se veulent bretons se doivent d’organiser la mosaïque identitaire avec des pièces extérieures à la Bretagne. L’ouverture au monde et le multiculturalisme correspondent à une nécessité et à une évidence. Et, puisque ni Voltaire ni Locke ne sont bretons, nous pouvons choisir entre eux en toute liberté.
 
            Les frontières bretonnes sont poreuses. Elles ne peuvent ni nous protéger, ni nous enfermer. Seul un préjugé, la croyance en une supériorité culturelle française, freine l'évasion des Bretons au-delà des frontières hexagonales.
JPLM

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Mercuriale février 2011