Armand Robin (1912 - 1961)
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Pas de différence entre les écrivains de la Résistance et ceux de la CollaborationPour être juste envers ce poète [Eluard], il faut d'abord ne pas perdre de vue qu'il est né dans la bourgeoisie, qu'il n'a guère fréquenté que des bourgeois et des snobs (...); il s'est rencontré avec le communisme dans la mesure où celui-ci était l'expression ultime, achevée de la bourgeoisie; il affecta volontiers des allures indifférentes au mal et au bien, alors que l'indifférence au mal et au bien est justement l'un des traits les plus caractéristiques de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie; pendant le deuxième des massacres mondiaux, il crut à la " littérature de résistance" sans percevoir que, précisément, la pseudo-littérature ainsi nommée marquait la ligne de moindre résistance de l'esprit, avait pour caractère essentiel d'être une abdication au profit de l'un des grands massacreurs de peuples. (Armand
Robin / Le Libertaire 5 juillet 1946)
(...) En outre, une littérature
complètement factice, une
littérature de faux-témoins est
créée pour combler par un mensonge habile le vide
que ne
manquerait pas de laisser apparaître la suppression pure et
simple de toute parole
véritable
(exemple:la poésie de la
Résistance dans les divers pays
d'Europe).
(Armand
Robin, Le Libertaire, 4 octobre 1946)
Une fois de plus les grands héros
que sont nos littérateurs " de la Résistance
" (quelle Résistance?) viennent de briller par
leur courage (...). On oublie ainsi qu'Aragon,
l'homme le plus méprisé de
Paris, a publié une certaine préface à
un catalogue de livres d'art volés par les nazis (si
j'avais fait le centième de cela, on m'aurait
déjà fusillé) ; cela permet d'oublier
que lors de leurs
réunions sous l'occupation, les innombrables
écrivains de la Résistance ne furent au plus que
sept,
tandis qu'au lendemain du départ des Allemands, ces
courageux se chiffraient par
centaines.
(Armand Robin, Le
Libertaire, 29 novembre 1946)
Je n'ai
même plus le coeur de répéter ce
que je n'ai cessé de répéter depuis
quelque cinq
ans: à
savoir que la littérature de résistance vaut
très
exactement ce que vaut la littérature de collaboration
(...)
Mais pourquoi faut-il qu'il [ Jean Texcier] entre dans le jeu à la mode et qu'il établisse une différence entre les écrivaillons de la Collaboration et les écrivains de la " Résistance ", alors que les uns et les autres ont servi le même ordre de choses ? (Armand
Robin, Le Libertaire, 16 janvier 1947)
La fin du nazisme n'est pas une libérationDepuis
quelque deux ans, très
exactement depuis
la fameuse " libération ", la radio
internationale ne laisse
passer que deux ou trois groupes d'arguments, toujours les
mêmes, toujours uniformément " dirigés
"(...)
Cette " potemkinisation " de la voix humaine, qui s'est établie partout depuis quelque trente mois (ou plutôt dont on a pu capter les premiers indices évidents depuis ces mois) constitue pour l'esprit une menace encore plus grave que nous ne l'avons dit jusqu'ici: ELLE CORRESPOND A UNE DEMANDE DE L'HUMANITÉ: S'IL Y A DES GOUVERNANTS QUI EXIGENT LA TOTALE, LA TOTALITAIRE SERVITUDE, C'EST QUE LES HOMMES EUX-MÊMES SONT TRÈS FATIGUÉS; (Armand
Robin, Le Libertaire,
19 avril 1946)
Le poète prolétarien dans sa tour d'ivoire(...) Il m'apparaissait que la Résistance était trop périlleuse pour les hommes qui s'y engageaient pour admettre sans protestation que de médiocres littérateurs fissent carrière avec la mort des autres. Enfin, ne cessai-je de répéter, lutter contre le nazisme ne peut être lutter contre notre frère, le travailleur allemand, victime comme nous, et même victime avant nous -(on ignore trop en France qu'il y eut un million d'Allemands victimes des camps de concentration: plus que de Français dans les maquis !). En tout état de cause, me semblait-il, faire la guerre est avant tout l'affaire des hommes de guerre: passe encore qu'on décrète: " Le poète prendra un fusil " : ce qui ne peut " passer ", c'est qu'on demande au poète d'écrire sur commande des poèmes belliqueux (on peut voir que je m'abstiens ici, volontairement, de porter un jugement sur le caractère également " impérialiste " des deux " causes " alors en présence).(Armand
Robin, Le Libertaire,
16 janvier 1947)
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Par
propagande chuchotée de bouche à oreille, on
accrédita que
j'étais né à Plouguernével
(Côtes-du-Nord, France) le 19 janvier 1912, que je
m'appelais Armand Robin, que j'habitais au septième
étage
d'une maison sise au 50, rue
Falguière, Paris (France). (...) Je fus sauvé par Staline. Seuls quelques érudits, tout poudreux d'archives, connaissent aujourd'hui le nom de ce grand sorcier qui pourtant parvint à la notoriété en ce vieux siècle. Il n'eut pas de mal à prouver que je ne m'appelais pas du tout Armand Robin, que je n'étais pas du tout né à Plouguernével (France) ; selon lui, je n'appartenais ni au temps ni à l'espace matériellement présents et la justesse était, si d'aventure j'y paraissais, de m'en enlever au plus vite. Selon ce bienfaisant magicien, même au cas où mon existence eût été pensable en une telle époque, le seul vraisemblable était de me faire naître en Pologne, Lituanie ou Russie, et sous un tout autre nom que celui d'Armand Robin. Au moment où je désespérais, il me fut secourable au point de se rendre auprès du maire de Plouguernével (ce Staline était omniprésent), récemment converti à l'idôlatrie, et de faire avouer à ce mal-éduqué que pour de très basses raisons il avait truqué le registre des naissances. Mon non-lieu était sauvé. J'ai dansé de joie à ce moment-là comme personne n'a jamais dansé. (..) Les gens de Plouguernével, Côtes-du-Nord (France) prétendaient m'avoir aperçu. Comment donc se fait-il qu'en ce même temps, tout aussi honorables, des habitants de Stockholm, Berlin, Moscou, Rome, Écoute-s'il-pleut (Marne) (France), Rebais (Seine-et-Marne) (France), Lausanne, Varsovie, Cologne, Cracovie, Zakopane, et cent autres lieux, aient affirmé m'avoir vu de leur nombre? (...) |
"Les rédacteurs de L'Humanité ne se souviendraient-ils pas qu'ils furent pendant l'occupation fort heureux de disposer des écoutes de radios anglaises, américaines, russes, algéroises, que je leur fournissais ? La rédaction de L'Humanité, étrangement amnésique, ne se souviendrait-elle pas qu'elle me proposa une rémunération pour les dangers que je courais? Ne se souviendrait-elle pas que je répondis que les dangers me sont indifférents et que, puisqu'alors j'étais communiste, il me plaisait de travailler gratuitement pour mes idées ? Les rédacteurs de L'Humanité, pris d'une folie inquiétante, ne se souviendraient-ils pas qu'en août 1944 ils n'eurent rien de plus pressé que de continuer à m'utiliser ?" |
Le scribe soigneusement anonyme continue: " Utilisant sa connaissance des langues, il
prenait à Radio-Paris les écoutes des radios étrangères pour MM. Laval et de Brinon
". Moi qui suis d'extrême-gauche et non pas stalinien, j'avoue que je n'aurais jamais eu l'idée
abracadabrante d'accuser quelqu'un parce qu'il aurait gagné son pain, en cette époque de famine,
plutôt au Radio-Paris hitlérien qu'au Radio-Paris " démocratique " ou qu'au
Radio-Paris stalinien. (...)
Quant au fait que M. Laval ait eu ces bulletins d'informations entre les mains, notre idiot de service devrait bien se rendre compte que le travail d'information d'un homme connaissant une vingtaine de langues étrangères et connu pour son extrême indépendance intéresse forcément tous les dirigeants, quelles que soient leurs tendances. (...) |
Il n’y a plus de
pensée, il n’y
a que des clairons ; Il n’y a plus de poète, il n’y a que des Aragons. Bientôt plus même d'Aragon, mais des sous-Aragons, Des Aragons définitivement aragons ; Tout poète prolétarien, les communistes le tueront ; Tout génie antifasciste, les communistes l'abattront. |
LE STALINE Les miens, paysans, ouvriers, que RIEN ne trompe, NE PEUT tromper, M'ont dit : « Il y a sur tout pays odeur de merde ; « Tous les jours un peu plus il y a odeur de merde ; « On tue un peuple chaque jour pour accroître la merde ; Des journaux de merde, des radios de merde, des affiches de merde « Avec grands mots de merde annoncent des progrès de merde ; « Les juges ne rendent plus que des jugements de merde ; « Même nous, les travailleurs, on veut que nous soyons merde. « Toi qui sais des noms, nomme-nous l'inédite bête, « La bête plus que bête que n'est que merde, « Qui se conçoit merde et ne se veut que merde, « La bête qui se veut merde, pieds, ventre, épaules, tête, « La bête de merde qui dans sa tête de merde eut ce penser de merde : « L'HOMME EST PARTOUT TUÉ ; ENFIN LA MERDE PEUT RÉGNER ! « LA MERDE DE MERDE EN MERDE VA TOUS VOUS EMMERDER ; « TOUT VA VOUS ETRE ÔTÉ, COEUR, ÂME, ESPRIT, PAIN, VIN, TOUT, SAUF LA MERDE ; « VOUS ALLEZ VOIR CE QUE LA MERDE PEUT CRÉER « VOUS ALLEZ VOIR TRÔNES DE MERDE ET DIAMANTS DE MERDE ; « NOUS SAURONS VOUS DONNER DES FESTIVAUX DE MERDE ; « TOUS VOUS DÉFILEREZ, TROP HONORÉS, DEVANT LA MERDE ; PUIS VIENDRA LA GRANDE RÉVÉLATION DE LA MERDE, « LA BIBLE DE LA MERDE : À L'ORIGINE IL Y EUT LA MERDE, « AU CENTRE IL Y EUT LA MERDE, À LA FIN SERA LA MERDE, « AINSI L'A ÉCRIT LE JEHOVAH DE LA MERDE. » - « Paysans, ouvriers, miens non souillés, mieux que RIEN ne peut souiller, Triomphante pleins naseaux : « TOUT EST BIEN MERDIFIÉ ; « À MON IMAGE À MOI MERDE, MERDOIE LE MONDE ENTIER ! « MÊME LES TRAVAILLEURS ONT MA MERDE DANS LEUR PENSÉE ! » La gigantesque bête étendue en ces palais, Régnant de merde en merde en l'ÉPOQUE DE LA MERDE Avec miroirs de merde où refléter sa merde Et des lettrés par rangs de vingt chantant : « GLOIRE À LA MERDE ! » La grande bête qui est source, centre et fin de la merde, La bête tellement merde que toute terre en devient merde, La bête partout prêchant : « LE BONHEUR, C'EST MA MERDE ! » Et condamnant l'humanité pour crime de lèse-merde, La tarasque toute en merde, travailleurs, c'est LE STALINE ». Je le nomme LE staline, car UN Staline n'existe pas : En effet LA merde ne peut être UNE merde ; Si peu qu'on soit merde on est TOUTE la merde ; On est tout entier merde ou bien merde on n'est pas. |