Bonnets Rouges
Proclamation du Code Paysan
(Dessin de Patrice Auffret)


Code paysan. 1675


Révolte des Bonnets Rouges


Ce code a été proclamé par les Bonnets Rouges, les paysans bretons révoltés en 1675.
En septembre 1675, Sebastian Ar Balp, rassemblera jusqu'à 30 000 hommes. Le duc de Chaulnes sera chargé de la répression au nom de Louis XIV. Celle-ci sera effroyable : massacres de femmes et d'enfants, tortures, viols, incendies. Des centaines de rebelles seront pendus et et des centaines d'autres envoyés aux galères.


Entre parenthèses : explication, ou alternative pour un mot difficilement lisible.
Entre crochets et en italiques : reconstitution d’un mot illisible sur le document original.
 
 
Copie du règlement fait par les nobles habitants des quatorze paroisses unies du pays Armorique situé depuis Douarnenez jusqu'à Concarneau, pour être observé inviolablement entre eux jusqu'à la Saint-Michel prochaine sous peine de torrepen.
(Torrepen, torreben ; en breton moderne = Torr e benn ; en français = casses-lui la tête)

 
1. Que lesdites quatorze paroisses, unies ensemble pour la liberté de la province, députeront six des plus notables de leurs paroisses aux États prochains pour déduire les raisons de leur soulèvement, lesquels seront défrayés aux dépens de leurs communautés, qui leur fourniront à chacun un bonnet et camisole rouge, un haut-de-chausse bleuf, avec la veste et l'équipage convenable à leurs qualités.
(Organisation d'un système de représentation)
 
2. Qu'ils (les habitants des quatorze paroisses unies) mettront les armes bas et cesseront tout acte d'autorité jusques audit temps (de la Saint-Michel 1675), par une grâce spéciale qu'ils font aux gentilshommes, qu'ils feront sommer de retourner dans leurs maisons de campagne au plus tôt ; faute de quoi ils seront déchus de ladite grâce.
 
3. Que défense soit faite de sonner le tocsin et de faire assemblée d'hommes armés sans le consentement universel de ladite union, à peine aux délinquants d'être pendus aux clochers, aussi de leur assemblée, et (ou) d'être passés par les armes.
 
4. Que les droits de champart et corvée, prétendus par lesdits gentilshommes, seront abolis, comme une [violation] de la liberté armorique.
(Revendication de suppression de droits de propriété sur les domaines congéables au nom d'un idéal, la liberté armorique)
 
5. Que pour affirmer (confirmer) la paix et la concorde entre les gentilshommes et nobles habitants desdites paroisses, il se fera des mariages entre eux, à condition, que les [filles] nobles choisiront leurs maris de condition commune, qu'elles anobliront et leur postérité, qui partagera également entre eux (sic) les biens de leurs successions.
(Revendication d'abolition des ordres féodaux par mariages mixtes et dispersion des héritages)
 
6. II est défendu, à peine d'être passé par la fourche, de donner retraite à la gabelle et à ses enfants, et de leur fournir ni à manger ni aucune commodité ; mais, au contraire, il est enjoint de tirer sur elle comme sur un chien enragé.
(Revendication de l'abolition de l'impôt sur le sel, ici présenté comme une personne)

7. Qu'il ne se lèvera, pour tout droit, que cent sols par barrique de vin horet, et un écu pour celui du crû de la province, à condition que les hôtes et cabaretiers ne pourront vendre l'un que cinq sols, et l'autre trois sols la pinte.
(Le seul impôt royal accepté est l'impôt sur le vin. La revendication est de le limiter)
 
8. Que l'argent des fouages anciens sera employé pour acheter du tabac, qui sera distribué avec le pain bénit, aux messes paroissiales, pour la satisfaction des paroissiens.
(Revendication de l'utilisation d'un impôt pour un service public qui est de l'ordre du plaisir ; c'est très moderne, et même futuriste !)
 
9. Que les recteurs, curés et prêtres, seront gagés pour le service de leurs paroissiens, sans qu'ils puissent prétendre aucun droit de dîme, novale, ni aucun autre salaire pour toutes leurs fonctions curiales.
(Revendication de suppression des impôts cléricaux et octroi d'un salaire fixe aux clercs)
 
10. Que la justice sera exercée par gens capables choisis par les nobles habitants, qui seront gagés avec leurs greffiers, sans qu'ils puissent prétendre rien des parties pour leurs vacations, sur peine de punition ; — et que le papier timbré sera en exécration à eux et à leur postérité, pour ce que tous les actes qui ont été passés (sur papier timbré) seront écrits en autre papier et seront par après brûlés, pour en effacer entièrement la mémoire.
(Revendication de suppression du papier timbré, le timbre étant une taxe sur les actes légaux)
 
11. Que la chasse sera défendue à qui que ce soit depuis le premier jour de mars jusqu'a la mi-septembre, et que fuies et colombiers seront rasés, et permis de tirer sur les pigeons en campagne.
(Revendication du droit de chasse et curieusement, une revendication "écologique" de limitation de la saison de chasse, plus particulièrement de la chasse à courre)
 
12. Qu'il sera loisible d'aller aux moulins que l’on voudra, et que les meuniers seront contraints de rendre la farine au poids du blé.
(Revendication de liberté et de loyauté dans les relations avec les services seigneuriaux -le moulin-, les services publics de l'époque)
 
13. Que la ville de Quimper et autres adjacentes seront contraintes par la force des armes d'approuver et ratifier le présent règlement, à peine d'être déclarées ennemies de la liberté armorique et les habitants punis ou ils seront rencontrés ; défense de leur porter aucune denrée ni marchandise jusqu'à ce qu'ils aient satisfait, sous peine de torreben.
(Assez curieusement, les paysans se méfient plus des bourgeois des villes que des nobles des campagnes)
 
14. Que le présent règlement sera lu et publie aux prônes des grandes messes et par tous les carrefours et aux paroisses, et affixé (affiché) aux croix qui seront posées.
 
Signé TORREBEN et les habitants.
 
Source : E.S.B., A. de La Borderie, Boris Porchnev, Les Bonnets Rouges, Ed. UGE 10/18, 1975

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Contreculture/Code Paysan Version 1.0