Mounier
Emmanuel Mounier

Revue "Esprit"



          Fascination des donneurs de leçons pour le fascisme

La revue Esprit  fut fondée en 1932, par des jeunes chrétiens républicains. Au départ, la revue prit des positions antifascistes.
Pourtant, Emmanuel Mounier, le principal fondateur de la revue, est fasciné par le mouvement  totalitaire qui parcourt l'Europe.

En 1934, il donne une conférence à Paris devant des étudiants nazis, où il exprime sa sympathie :

       " Nous ne nions nullement que les fascismes apportent, en regard des régimes qu'ils remplacent, un élément de santé et une hauteur de ton qui ne sont pas des énergies méprisables. Nous savons les différences considérables qu'ils présentent entre eux. Nous ne doutons pas qu'une étude de leurs institutions nous suggérerait, une fois transposées, des indications de valeur"
E. Mounier. Janvier 1934. (Cité par D. Venner, voir source ci-dessous, p 40)

En mai 1935, il participe à Rome au Congrès des corporations. Il en fit  dans la revue un rapport, qui ne cache pas la fascination et la "parenté" qu'il a ressentie avec le fascisme.
Voici un extrait de ce rapport :


          " Le gouvernement italien et l'Institut de culture fasciste ont eu l'initiative de réunir à Rome, du 21 au 25 mai, un congrès franco-italien pour l'étude de l'État corporatif. Pense-t-on qu'il invita, pour discuter avec la France vivante, les représentants du Parlement et de la grande production française ? Non pas, mais les dirigeants des principaux mouvements de la jeunesse française dont nous pouvons ainsi constater avec combien plus d'attention et de sérieux ils sont suivis par les milieux officiels de l'étranger que par ceux de leur propre pays. (...)
          Il faut d'abord, en dehors de toute position doctrinale, dire l'hommage de notre jeunesse aux hommes que nous avons rencontrés. Leur jeunesse, leur ferveur, leur combativité, après treize ans d'exercice du pouvoir, qui use tant d'hommes, sont une présence capable de guérir définitivement qui les fréquente pendant quatre jours, des éloquences forcées de nos politiciens de droite ou de gauche. Ceux-mêmes qui, dans la délégation française, étaient par leur formation d'irréductibles adversaires du fascisme, ont dit publiquement la parenté profonde qu'ils ont senties entre eux et l'élan constructeur de ces générations neuves. (...)

          L'État totalitaire, sous son aspect politique, est né essentiellement de ce besoin de créer la cité italienne et, comme nous disait un délégué, de faire pénétrer capillairement l'État dans toutes les fibres de la nation. Forme dangereuse de l'éducation communautaire, cet étatisme prend par cette situation historique cependant une signification humaine qu'on ne saurait négliger. (...)

        L'avenir dira si l'authentique élan anticapitaliste qui anime au moins une fraction active du monde fasciste a l'importance et l'efficacité que nous lui souhaitons. Il ne faut pas le cacher, une dictature est indispensable à toute révolution, surtout spirituelle, pour neutraliser et fléchir les forces mauvaises. "
Esprit, 33, Juin 1935, p474-480. (Œuvres tome 4, Paris 1963, p 844)

En Juillet 1936, Mounier se rend à un camp des Jeunesses hitlériennes en Belgique, où il poursuit la confrontation amicale. Il reconnait une dimension spirituelle au fascisme.

         "Quiconque a visité sans parti pris les pays fascistes, pris contact avec leurs organisations, avec leurs jeunesses, n'a pas manqué d'être frappé de l'authentique élan spirituel qui porte ces hommes arrachés à la décadence bourgeoise, chargés de toute l'ardeur que donne d'avoir trouvé une foi et un sens à la vie"
Esprit, octobre 1936 (Cité par D. Venner, voir source ci-dessous, p 40)

En 1938, au moment de la crise de Munich, Mounier continue à admirer et à espérer :

         " La rude purification des fascismes porte le feu dans tout un appareil vermoulu que nous n'avons cessé ici de combattre, au nom d'autres valeurs"
Esprit, septembre 1938

En 1940, un fascisme français lui apparaît comme la solution d'avenir :

          " Parmi la poussière soulevée par l'effondrement d'un monde, dans la confusion inextricable de ce qui naît déjà et de ce qui meurt encore, quelques formules de vie ressortent où nous reconnaissons les traits dominants de notre héritage : lutte contre l'individualisme, sens de la responsabilité, sens de la communauté, restauration de la fonction de chef, sens rénové de la nation. (...) Que toutes ces formules soient encore enchevêtrées ici ou là de contresens, est-ce une raison pour nous écarter, nous qui les avons lancées parmi les premiers, de l'aventure vivante qu'elles vont maintenant inaugurer ? Certes non."
Esprit, novembre 1940

La fascination de Mounier pour le socialisme dictatorial se poursuit très tard :

        "La terrible ambiguïté de toute force historique est peut être, voilà le drame, en train de nous faire rater l'aventure en effet magnifique que serait une collaboration franco-allemande, parce que le nazisme la propose."
  Emmanuel Mounier. Carnets. 18 mai 1941

Lors de l'invasion de l'URSS par les troupes nazies, il participe à la liesse des partis collaborationnistes :

        " Il n'est personne qui ne soit prêt à saluer la chute du sombre régime stalinien, le jour où elle se produira comme une délivrance pour l'Europe, si elle ne s'accompagne de conséquences équivalentes dans le mal. Parmi les visages de l'Antéchrist, celui du petit tyran rusé, vaniteux et sanguinaire, qui, depuis des années, ampute l'Europe de la Sainte Russie et de toutes les puissances de la Russie nouvelle, était un des plus odieux. Le sang, et plus loin que le sang, le désespoir de milliers de victimes, proches ou lointaines, clament contre ce vampire d'une grande espérance humaine. Si les vicissitudes du conflit lèvent du monde que nous préparons pour après-demain la redoutable menace qu'il y faisait peser en toute hypothèse, et si la Russie ne se trouve contre lui dans sa grandeur et dans sa fierté séculaires, au lieu de disparaître avec sa chute, une espérance inattendue se lèvera vers l'Orient."
Emmanuel Mounier. Esprit, juillet 1941. (Cité par H. Amouroux, voir source ci-dessous)


Sources principales :
Zeev Sternhell , Ni droite ni gauche
, Ed Fayard 2000. p 425 et suivantes.
Dominique Venner, Histoire de la Collaboration, Ed Pygmalion 2000. p 39 et suivantes, p105 et suivantes
Henri Amouroux, Les beaux jours des collabos, Ed Laffont, 1997


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Contreculture / Esprit version 1.1