L’INSURRECTION
TCHÉTCHÈNE
|
 |
La
lutte de la nation tchétchène pour sa survie
Le conflit
entre la Russie et la
Tchétchénie se prolonge depuis plusieurs
siècles.
Dans le Caucase, la
résistance contre l’impérialisme russe
s’est
toujours concentrée sur les
territoires de la Tchétchénie et du Dagestan. Au
XIXème siècle, Shamil avait
proclamé la Guerre Sainte et combattu
l’armée russe
pendant un quart de siècle.
Pour en finir, le Tsar Nicolas 1er avait envisagé de
déporter toute
la population rebelle du Caucase pour obtenir une paix
définitive. Il ne put le
faire, faute de moyens appropriés.
La
République du Nord-Caucase,
qui incluait la Tchétchénie, se
déclara
indépendante en Mai 1918, après la
révolution bolchévique. Elle dut soutenir une
guerre sur
deux fronts. D’abord
contre les troupes tsaristes de Denikine, puis contre
l’Armée Rouge.
L’insurrection du
Caucase ne s’apaisa qu’à la fin de 1921.
La paix fut rétablie par un homme
du Caucase, un Géorgien : Staline. Celui-ci
était le
Commissaire du peuple
aux nationalités, et président du
Congrès des
Peuples du Caucase. La République
Soviétique du Caucase, intégrée dans
la
République Fédérale Socialiste
Soviétique de Russie, fut créée.
Ainsi, Staline le
Géorgien pouvait lorgner sur
le Kremlin, tout en se ménageant une zone de repli au cas
où ses ambitions
russes seraient déçues.
La
victoire de Staline ne fut pas
celle du Caucase. La paix fut réduite à
néant par
les vagues de répressions
décidées par le gouvernement de Moscou :
d’abord contre les paysans aisés,
les koulaks ; puis contre les mollahs musulmans, les
« bandits » ; puis
contre les
« nationalistes
bourgeois ».
Les mollahs musulmans, qui au
départ avaient pris la tête de la
résistance,
furent peu à peu remplacés par
des jeunes gens instruits, formés dans les écoles
soviétiques. Parmi ceux-ci,
Hassan Israilov et Mairbek Sheripov.
Hassan
Israilov et l’insurrection de 1940
Hassan Israilov
est né en 1910
dans le village de Nashkhoi. Membre des Jeunesses Communistes, il
s’inscrit au
Parti en 1929, à la fin de ses études
secondaires. Mais
il ne se passionne pas
pour la politique ; il préfère
s’occuper de
poésie, de littérature et d’histoire.
Toutefois, il se permet dans ses écrits de
dénoncer la
corruption de deux
leaders soviétiques de Tchétchénie,
Slavin et
Ushaev. En 1931, Israilov est
condamné à 10 ans de prison pour calomnies
contre-révolutionnaires. Il est
libéré 3 ans plus tard, lorsque les malversations
de ses
deux cibles furent
condamnées par Moscou. Israilov est alors
réintégré dans le Parti Communiste.
Il part
à Moscou
étudier à l’Université
Communiste des
Travailleurs de l’Est,
et s’intéresse de plus en plus à la
politique.
En
1938, il remet ça. Il demande
la démission d’Egorov, premier
secrétaire du Parti
dans la région, et de Raev,
Commissaire du peuple aux affaires intérieures. Il est une
nouvelle fois
arrêté… et il s’en sort une
nouvelle fois,
quand Egorov et Raev sont à leur
tour arrêtés et accusés
d’être des
« ennemis du peuple ».
 |
Cette fois, il ne réintègre
pas
le Parti Communiste. Il rentre en Tchétchénie,
prend le
maquis, et déclare la
guerre à
« l’impérialisme
rouge ». En février 1940 (nous sommes en
période de pacte germano-soviétique), les troupes
d’Israilov contrôlent les
zones de Galanchozh, Sayasan, Chaberlo, et une partie de la
région de Shato. Un « Gouvernement
provisoire populaire et révolutionnaire de
Tchétchénie-Ingouchie »
est
proclamé, et Israilov en est le chef.
En juin 1941, c’est la rupture du
pacte germano-soviétique et Hitler déclenche
contre
l’URSS l’opération
Barberousse. En février 1942, les troupes allemandes sont
à moins de 500
kilomètres de Grozny, la capitale de la
Tchétchénie. L’avocat Mairbek Sheripov
lance à son tour une insurrection, prend la ville de Shato
et
rejoint Israilov.
Les
insurgés Tchétchènes sont
bien conscients des méthodes brutales utilisées
par
Rosenberg et Himmler dans
l’Ukraine
« libérée ».
En
Juin 1942, ils lancent un « Appel au
peuple tchétchène-ingouche »,
pour demander « d’accueillir
les
Allemands de façon hospitalière si ceux-ci
reconnaissent
l’indépendance de la
république
tchétchène ».
Les Allemands n’arriveront jamais
en Tchétchénie, mais le gouvernement
soviétique de
Staline prend conscience du
danger. Les villes et villages tchétchènes sont
bombardés massivement par les
avions de l’Armée Rouge au point que, dans
certains
d’entre eux, plus de la
moitié de la population périra. Israilov mourra
dans ses
montagnes, lors d’un
affrontement avec les troupes soviétiques. |
La répression
de 1944 ; le
génocide.
En Février 1944, Staline
renouvelle l’ordre de déportation massive des
Tchétchènes donné par le tsar
Nicolas 1er . Le crime imputé au peuple
tchétchène
en tant que tel
(et non à des individus) est celui de
« collaboration » et de
« trahison collective ».
Près de la
moitié de la population, 425 000
personnes sur un total de 1 million, sera
déportée en
Sibérie et en Asie
centrale. On ne sait pas combien d’entre eux mourront au
cours de
cette
opération de génocide. Après la mort
de Staline,
les exilés survivants pourront
revenir dans leur pays, et la République Autonome de
Tchétchénie-Ingouchie sera
restaurée en 1957.
C’est de cette époque que date la
diaspora tchétchène, présente dans la
plupart des
villes de l’ex-Union
Soviétique, et unie dans la haine de l’ennemi
russe.
C’est parmi les enfants
des déportés, revenus dans un pays où
ils ne sont
pas toujours nés, que se sont
recrutés les plus farouches partisans de
l’indépendance Tchétchène
des
années 90 et 2000, et en particulier le premier
président
de la République tchétchène,
Djhokhar Doudaïev.
La guerre actuelle en
Tchétchénie.
En 1990, les autorités russes ne
portèrent aucune attention à
l’émergence,
dans le Caucase, du Congrès National
du Peuple Tchétchène. Celui-ci, mené
par un ancien
général de l’Armée Rouge,
Djokhar Doudaïev, est pourtant extraordinairement actif.
Doudaïev profite des
désordres liés aux luttes de pouvoir entre
Gorbatchev,
qui contrôle l’appareil
soviétique et parlementaire, et Eltsine, qui
contrôle
l’exécutif de la
République de Russie.
Doudaïev organise une
« Garde Nationale », et se
prépare
à prendre le pouvoir. Il profite du
coup d’Etat manqué à Moscou en
Août 1991 pour
attaquer le Parlement régional,
et prendre le contrôle d’immeubles administratifs
à
Grozny. Les élections qui
suivent portent le Congrès National et Doudaïev au
pouvoir.
Le 4 novembre 1991,
Doudaïev proclame l’indépendance de la
Tchétchénie.
Eltsine prend alors conscience du
danger, mais il est trop tard. Le séparatisme a
été légitimé par les urnes,
même si les conditions de l’élection
n’étaient pas toujours très
régulières. En
novembre 1991, Eltsine proclame l’état
d’urgence en
Tchétchénie, et place la
République sous les ordres de Akhmet Arsanov. Le
résultat
est immédiat :
c’est une explosion de sentiments anti-russes, et
Doudaïev
devient extrêmement
populaire. Eltsine est obligé de faire marche
arrière et
d’annuler le décret
d’état d’urgence. |
 |
Entre la fin 1991 et la fin 1994,
la République Tchétchène tente de se
consolider,
alors que les Russes attendent
la fin de la fièvre révolutionnaire. Ils
cherchent
à discréditer Doudaïev par
tous les moyens, et préparent le retour de la
Tchétchénie dans le giron de la
République de Russie.
Les Russes aident l’opposition
anti-Doudaïev à se structurer et, en
été
1994, un début de guerre civile semble
leur donner le signal d’intervention. Le 26 novembre 1994,
l’armée russe lance
une attaque de tanks sur Grozny ; c’est un fiasco
complet,
mais la mise au
pas de la Tchétchénie est devenue un enjeu,
à la
fois pour l’approvisionnement
pétrolier et la ré-élection de Boris
Eltsine au
Kremlin. Ce dernier espère une
victoire rapide et totale.
En décembre 1994, les Russes
lancent une attaque massive. Le palais présidentiel de
Grozny
est pris le 19
janvier 1995.
Le
21 avril 1996, Doudaïev
meurt
dans un attentat. En août, les
Tchétchènes
reprennent Grozny. Au cours de la
même année, le général russe
Lebed tente une
solution négociée, qui renvoie la
fixation du statut définitif de la
Tchétchénie au
31 décembre 2001.
Entre 1996 et 1999, le terrorisme
tchétchène, mené par Bassaïev
et Khattab,
remplace l’action militaire, et
s’étend à Moscou ainsi qu’aux
territoires
proches du Dagestan.
En Août 1999, Vladimir Poutine,
désigné Premier Ministre de la
République de
Russie par Boris Eltsine (et
depuis devenu Président), déclenche une guerre
totale
contre les rebelles
tchétchènes.
Depuis, la guerre
continue.
De
nouvelles générations
tchétchènes naissent
aujourd’hui en exil, comme si
l’histoire recommençait.
ContreCulture /
Tchétchénie v. 1.0