Penser comme une péninsule
Un des initiateurs de la
protection de l’environnement,
l’ingénieur
forestier américain Aldo Leopold (1887-1948), nous
recommande de "penser
comme une montagne". En Bretagne, nous avons des
monts sacrés. J’habite
non loin de l’un d’entre eux, le Menez Hom. Un
nationaliste breton à la manière
d’Aldo Leopold devrait inciter à penser comme
le Menez Hom, ou plutôt à penser en phase avec
toutes les composantes de notre environnement. Vivre ensemble, ce n’est pas seulement gérer des interactions humaines, fussent-elles socialement justes et
équilibrés.
En Bretagne, il
serait bon de penser comme une péninsule.
En 1927, Joseph
Banks
Rhine (1895-1980), professeur
à l’université de Durham en Caroline du
Nord (USA), décide d’utiliser des
méthodes statistiques pour tester la capacité de
certains joueurs à biaiser le
hasard dans un lancer de dés. Le test culmine à
plus de 600 000 lancers !
Le désir du joueur a dévié le
résultat
attendu, avec une probabilité assez forte.
Le test suscita de l’intérêt dans la
communauté scientifique et Rhine fut
rejoint par le physicien Helmut Schmidt (1).
Celui-ci fabriqua un générateur
aléatoire de nombres. La machine était
très
élaborée pour un résultat simplissime.
Elle s’approchait du pur hasard pour
générer, soit le nombre 1, soit le nombre 2. En
dehors de la présence d’un
observateur humain "désirant",
l’appareil enregistrait un nombre à
peu près égal de
1 et de 2. Entre 1967 et 1977,
Schmidt a utilisé son générateur pour
tester
l’influence de l’homme sur le
compteur. Les résultats ont été
supérieurs
à la simple attente du hasard, dont
la probabilité était de 1 sur 10
000. Cela signifie que la probabilité
que l’homme ait influencé la machine est
extrêmement forte.
A Nantes, pour sa
thèse de doctorat (année 1985-1986),
René Peoc'h (3)
réalise des expérimentations qui viennent
s’ajouter aux observations des
pionniers de la psychophysique. Il utilise le tychoscope, un petit
robot sur
roulettes dont les trajets sont aléatoires. Il constate que
la machine, qui peut
rouler n’importe où dans l’espace qui
lui est réservé, s’approche plus
souvent que
les lois du hasard ne l’ont prévu de celui qui
cherche à l’attirer mentalement.
L’expérience est réalisée
avec plusieurs personnes, selon un protocole très
strict.
René Peoc’h va plus loin dans son expérience de psychokinèse. Il prend comme expérimentateur des poussins, auxquels il a fixé une empreinte. Le tychoscope est le premier objet animé qu’ils voient en sortant de l’œuf ; les poussins considèrent alors le petit robot comme leur mère, ou du moins se comportent comme tel avec lui. Là encore, le petit robot est dévié d’un trajet aléatoire lorsque la cage des poussins est placée sur un des côtés de son parcours. Il est venu 2,5 fois plus souvent dans la moitié la plus proche des poussins. Lorsque le tychoscope est isolé, ou lorsque des poussins non conditionnés sont placés dans la cage près du petit robot, ses parcours sont aléatoires.
Les
expériences de
psychophysique que nous venons de passer
en revue impliquent une influence du désir de
l’être vivant, y compris sur la
matière inerte. Cela signifie que l’environnement,
qu’il soit vivant ou
inanimé, qu’il soit naturel ou artificiel, ne peut
être complètement séparé du
sujet désirant. Nos désirs de Bretagne influent sur l'écosystème breton, péninsulaire,
naturel et humain. Cette conclusion rejoint la réfutation
qu’a élaborée Erwin
Schrödinger de la séparation entre le sujet qui observe
et
l’objet
observé. Le physicien
quantique, inventeur du concept de fonction d’onde,
nous chuchote à l’oreille : "Ce
sont les mêmes
éléments qui composent l’esprit et le
monde. (…) Le
sujet et l’objet ne font qu’un. On ne peut pas dire
que la barrière entre eux a
été brisée par suite d’une
pratique récente dans les sciences physiques,
puisque cette barrière n’existe
pas »(4).
Nous avons pris
l’habitude de faire du nationalisme breton ou
de l’écologisme une revendication.
Il faut interpeller, il faut s’indigner,
il faut manifester. Le militant se doit de cocher les bonnes cases du
militantisme politiquement correct. Profitons du bizarre
été 2020, entre
confinement, télétravail et relocalisation
vacancière, pour réinitialiser
notre rapport à
l’écosystème
breton. Aimez la Bretagne peut avoir des
conséquences heureuses, quoique imprévisibles. (1) Helmut Schmidt « Mental influence on random events”, New Scientist and Science Journal, London, June 24, 1971 (2) Rémy Chauvin « Quand l’irrationnel rejoint la science », Ed Hachette, 1980 (3) La thèse de René Peoc’h est disponible sur http://psiland.free.fr/savoirplus/theses/peoch.pdf (4) Erwin Schrödinger, « L’esprit et la matière », Ed Seuil, 2011 JPLM
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