Un parlement breton, pour quoi faire ?

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En Bretagne, la tentation institutionnelle se
renouvelle
constamment. Depuis la "Constitution Nationale pour une
République
Bretonne", publiée en 1904, nous avons
bénéficié de plusieurs Constitutions
auxquelles personne n’a jamais songé à se
conformer. La dernière, celle de
Lionel Guillory, date de 2013 ; d’autres sont
annoncées.
Nous avons eu des "États de Bretagne
provisoires" au cours des années 2000. Nous
disposons aujourd’hui d’associations aux appellations
impressionnantes :
"État national", "Parlement de Bretagne", sans compter
plusieurs "Gouvernements provisoires". Le citoyen breton, trop fier
pour se résigner, mais pas assez pour s'insoumettre, fait appel
à ses connaissances historiques et juridiques. Il se persuade
qu’il est "dans son droit".
Aucune de ces créations institutionnelles n’a marqué
l’histoire de Bretagne. Voici, en quelques mots, une analyse du phénomène.
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La tentation d’anachronisme
La plupart des constructions intellectuelles récentes, comme
l’ "État national breton", le "Gouvernement
provisoire", et tous ceux qui se réclament d’un
retour au "duché" affichent des élans réactionnaires. Il faut
leur savoir gré de cette clarté.
Le réveil d’une
institution morte est une nostalgie. La
référence à un ancien droit est
étrangère au combat moderne pour la Bretagne. La
revendication bretonne du XXIe siècle n’a rien à
voir avec nos vieux souverains, leur chancellerie, leurs ministres, l’ancien Parlement,
les États de Bretagne.
L’ancien Parlement de Bretagne était une instance juridique. Les États de
Bretagne étaient une instance politique. Une assemblée bretonne serait plus
proche des États de Bretagne que de l’ancien Parlement. Mais tout ça, c’est du
passé.
Le rêve d’une
autorité supérieure
En rêvant de Parlement, il est possible d’éviter la
nostalgie historique. Toutefois, la création d’une institution bretonne de type
gouvernemental part toujours de l’idée que les Bretons doivent se référer à une
institution supérieure. C’est là une autre nostalgie. La société actuelle ne
fonctionne plus comme ça. Certes, la sphère politique est omniprésente dans les
médias. Mais elle est moins importante que les rapports économiques et sociaux.
On vote de moins en moins. Il vaut mieux perdre ses droits civiques que de
perdre son travail ou son statut social.
Être celui qui juge,
faute d’être celui qui décide
Les institutions bretonnes autoproclamées se veulent
crédibles. Elles se positionnent comme une puissance publique et doivent donc faire
preuve d’autorité. Or, elles n’ont pas la main sur l’armée, la police ou
l’éducation, comme les vrais États. Elles ne sont pas non plus profilées pour
utiliser la violence physique, comme les organisations paramilitaires
clandestines. Pour asseoir leur autorité, il leur reste l'arrogance.
La grandiloquence à défaut de la grandeur.
Être celui qui juge, faute d'être celui qui décide.
Institutions et
libération nationale
Une autorité centrale
censée administrer, ou donner des lois
au pays, n’a rien à voir avec un mouvement de
libération.
Une libération
nationale nécessite une floraison d’initiatives
culturelles, économiques et
politiques. Ces créations et transgressions sont soumises
à une sélection
naturelle ; ne perdurent que les plus robustes et les plus
adaptées à
l’environnement. Il peut y avoir une convergence entre les
différents
mouvements. Mais la coordination se fait forcément entre ceux qui créent,
qui agissent,
qui osent. Elle n’est jamais
déléguée à des éléments
extérieurs, même quand ceux-ci arguent de leur compétence ou de leur "représentativité".
Le colonisé, le colonisateur et l"insoumis
Il y a ceux qui se prennent pour des Gaulois ou des
Celtes ; ceux qui se prennent pour des chouans ou des sans-culottes
; ceux qui se prennent pour des Breiz Atao ou des résistants en guerre contre les fascistes ;
ceux qui se prennent pour des compagnons d'armes de Che Guevara ou de Daesh.
Ceux qui se prennent pour des chefs d'État ou des parlementaires bretons.
Quand l’ego est
développé, on passe de l'imitation à la
rivalité
mimétique. Lors de l’épisode des Bonnets rouges,
les uns étaient scandalisés de
voir qu’un mythe auquel ils s’identifiaient était
traité aussi trivialement par
les activistes du XXIe siècle. D’autres, Bonnets rouges
tardifs, faisaient surenchère
de critiques contre le Collectif organisateur "Vivre, décider et travailler
en
Bretagne".
Ceux qui sont possédés du désir mimétique se croient seuls
dignes d’incarner un mouvement qui les fait rêver. Ce désir d'imitation touche de
la même façon les vieilles institutions disparues. Ce sont souvent les mêmes
personnes que l’on retrouve dans les deux cas.
Le colonisé imite le colonisateur et jalouse l'insoumis.
Les institutions bretonnes autoproclamées se posent en
rivales des institutions françaises. Elles vivent dans le même monde, celui des
codes, des lois, de la représentativité et de l’autorité publique. La nouvelle
Bretagne ne sortira pas de ce monde-là.
JPLM
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