Mercuriale septembre 2015
Le nationalisme breton, ce n'est pas ça !
Il y a quelques années,
pour mériter l’appellation de nationaliste breton, il fallait au moins avoir écrit
sur les murs "Les Français dehors", ou posé une bombe. On pouvait
aussi refuser de payer ses impôts ou de faire son service militaire. Et encore,
beaucoup de ceux qui ont connu la prison pour ces raisons trouvaient l’étiquette de "nationaliste"
excessive ou mal adaptée.
Aujourd’hui, il suffit
d’avoir bavé sur Facebook en se disant breton pour se considérer comme nationaliste.
La presse qui, elle non plus, ne connaît le sens des mots, en
rajoute en décernant le titre d’ "ultranationaliste".
Remettons les points sur
les i.
1 - Le nationalisme
breton, ce n’est pas "Plus Breton que moi tu meurs !".
L’identité
n’est pas une compétition. Est Breton celui qui le
décide et qui l’assume. Etre
nationaliste breton, c’est porter un héritage et le
transmettre. Peu importe le
nom que l’on porte, son lieu de naissance ou la couleur de sa
peau. L’objectif
du nationaliste est que l’héritage se transmette, quelle
que
soit la manière,
quel que soit le messager, jusqu'au réveil du dragon. Ceux qui
n’ont pas compris cela ne sont pas des nationalistes. Ce sont
des agences de notation. Le triple A de la bretonnité
n’existe pas. Ceux qui croient savoir ce qu'est un "bon breton"
ont raté leur carrière de sélectionneur
d’équipe de foot. Et encore, un sélectionneur fait
la différence entre les qualités d'un attaquant, d'un
défenseur, ou d'un ailier gauche.
L’identité bretonne n’est
pas octroyée par une instance supérieure, comme la préfecture délivre une carte
d’identité. C’est confondre l’État et la nation, une administration et une
communauté. Un nationaliste n'est pas quelqu'un qui rêve d'être préfet.
2 - Le nationalisme
breton, ce n’est pas "Prenons les armes et battez-vous !".
Au
temps des attentats du FLB il y avait peu de déclarations
guerrières. Elles se
multiplient aujourd’hui, alors qu’il n’y a plus
d’attentats et que les actes de
désobéissance sont rares. La déclaration
guerrière est une sorte de genre littéraire.
Elle permet, dans un théâtre d’ombres, de faire
preuve d’audace, de cruauté, d’autorité,
d’abnégation ou de sens du sacrifice. Ce genre de sketch
n’a rien à voir avec le nationalisme
breton. Le risque existe, pour les naïfs ou les
généreux, d’être manipulés par des
paranos ou des pervers.
3 - Le nationalisme
breton, ce n’est pas "Je n’aime pas les étrangers !". Ça, c’est de la
xénophobie ou du racisme, pas du nationalisme. Pour qu’une
petite nation comme
la Bretagne trouve sa place dans le concert des nations, il lui faut
des
proches, des amis, des alliés. Il lui en faut même plus que ses adversaires. S’en prendre
aux islamistes et se revendiquer de
Breiz Atao est ridicule. Les vieux Breiz Atao, les vrais, auraient pris
contact
depuis belle lurette avec l’État Islamique. Certains
séparatistes, au cours des
années 70, avaient pris contact avec des pays communistes.
Autrefois, ceux qui
défendaient l’indépendance bretonne entretenaient
des relations cordiales avec
l’Angleterre, l’Espagne, l’Allemagne. Refuser des relations internationales pour la Bretagne,
c’est refuser de lui donner une histoire.
4 - Le nationalisme
breton, ce n’est pas "A bas le multiculturalisme !". Ça, c’est du nationalisme
français, pas du nationalisme breton. Les petits pays comme la Bretagne, le Danemark ou l’Islande, ne
peuvent pas se replier sur leur langue ou leur culture. Pour survivre, ils
doivent échanger, acquérir des savoirs étrangers, importer et exporter. Le
monoculturalisme breton est impossible. L’identité bretonne ne peut s’épanouir que
par un multiculturalisme intelligent, chargé de sens et de perspectives, bien différent du ragoût
multiculturel de la société de consommation.
5 - Le nationalisme
breton, ce n’est pas "En avant, marche !".
Les petites nations
n’entrent pas dans la course à la puissance. Elles ne
marchent pas au pas cadencé.
Elles aspirent seulement au bien-être, qui passe par
la relocalisation des décisions. La force d’une grande nation, c’est
son armée, sa machine
administrative, le poids de sa pyramide. La force des petites nations,
c’est l’énergie
de leurs populations. Les principes de la thermodynamique montrent que
ce sont
les différences de potentiel qui créent
l’énergie, pas l’uniformisation. C’est
ce qu’ont bien compris les Suisses. Plus une nation est petite,
plus elle doit
impliquer dans son fonctionnement le maximum de ses membres. Elle doit
articuler les diversités et organiser la démocratie. Une
grande nation dépérit quand le sommet n’arrive plus
à se faire obéir de la base. Une petite nation dépérit
quand ses membres perdent le plaisir d’être
ensemble et de décider ensemble.
JPLM

Mercuriale septembre 2015