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Indépendance
de la
Norvège. 1905
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Imaginons... D'abord, les
individus
représentant l'Etat central démissionnent (en
Bretagne,
ce
serait les préfets), ou leurs charges deviennent vacantes...
Ensuite, la
structure élue représentant la
population (en Bretagne, ce serait le Conseil régional)
prend le
relais et décide la
dissolution de l'union avec la France...
Nous serions
alors, non pas dans un
délire impossible ou utopique, mais
dans une situation norvégienne.
C'est en effet ainsi
que la Norvège a acquis son indépendance en 1905.
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Histoire de la
Norvège
jusqu'en
1905
En
1319, après 400
ans
d'indépendance et d'autonomie, la Norvège est
liée
à la
Suède par des "liens
personnels". En 1380,
la Norvège et le Danemark se retrouvent sous la
souveraineté d'un roi commun,
une association qui débouche peu à peu sur
l'intégration des deux pays au sein
d'un Etat dano-norvégien dont le territoire principal est le
Danemark et
Copenhague la capitale indiscutée.
Au
milieu du XVIIIe siècle, un certain
mécontentement
règne en Norvège : les
intérêts du pays doivent s'incliner devant ceux du
Danemark et avant tout,
devant ceux de la capitale du royaume, Copenhague. Les
Norvégiens ont demandé à
plusieurs reprises que le pays soit doté de sa propre banque
et
de sa propre
université, institution qui ne deviendra
réalité
qu'en 1811. La création d'une
banque centrale se heurte à un net refus : on craint en
effet
qu'une éventuelle
indépendance monétaire ne mène
à la chute
de la double monarchie.Lorsqu'en
1807, le Danemark-Norvège est emporté dans le
tourbillon
des guerres
napoléoniennes, le roi Frederik VI choisit de s'allier
à
la France et de faire
la guerre à l'Angleterre.
Son choix est
uniquement dicté par les intérêts de
la
partie continentale du pays, le Danemark et les duchés de
Schleswig et de
Holstein. Pour la Norvège, cette guerre avec l'Angleterre
signifie blocus,
crise, famine. C'est dans ces circonstances que l'on voit grandir le
mécontentement
envers le régime en place et l'union avec le Danemark.
Certains
Norvégiens,
comme le comte Wedel Jarlsberg, vont jusqu'à demander la
dissolution de
l'alliance avec le Danemark et proposent une union avec la
Suède. Ce
mécontentement n'atteint toutefois jamais la force et
l'ampleur
qui lui
permettraient de devenir une menace réelle pour la double
monarchie.
Lorsque
la Norvège se sépare du Danemark lors de la paix
de Kiel
le 14 janvier 1814, ce
n'est pas sous l'effet d'une rébellion des
Norvégiens
mais bien la conséquence
de la politique menée par Bernadotte, ancien
maréchal de
Napoléon, choisi en
1810 pour reprendre la couronne de Suède sous le nom de Carl
Johan.
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La Norvège et
les pays scandinaves
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La Norvège
est un butin accordé au chef de guerre victorieux, une
rétribution accordée au
pays et à son dirigeant pour leur contribution à
la chute
finale de Napoléon.
Depuis
le printemps de 1813, le jeune Christian Frederik, prince
héritier du royaume
de Danemark-Norvège, réside en Norvège
en tant que
Stattholder (gouverneur).
Lorsque lui parvient la nouvelle de la paix de Kiel et de la perte de
la
Norvège vers la fin du mois de janvier, il décide
d'empêcher ce transfert de
souveraineté et devient la figure de proue d'un mouvement
indépendantiste
norvégien dont l'ambition secrète et
inavouée est
de rétablir l'union avec le
Danemark. Le roi Frederik VI est au courant des projets de son fils et
les voit
d'un bon oeil. Il apporte son soutien à la demande
norvégienne de plus
d'autonomie, avant tout sous la forme d'importantes livraisons de
grains.
Lorsque
Christian Frederik appelle les Norvégiens à la
lutte pour
l'indépendance, il
sait qu'il peut compter sur le soutien d'une large partie de la
population. Le
mouvement indépendantiste norvégien se nourrit
à
plusieurs sources, parfois
antinomiques : fidélité à l'ancienne
famille
royale en place, espoir d'une
réunification avec le Danemark, sentiment anti-danois,
souvenirs
historiques,
crainte d'une union avec la Suède. Les rêves
d'abord
vagues se muent au courant
de l'hiver et du printemps 1814 en un énorme espoir
d'indépendance. La Norvège
allait revenir sur la scène internationale en tant que pays
libre et souverain,
redevenir ce qu'elle avait été plusieurs
siècles
auparavant.
Après
la paix de Kiel, les projets politiques de Christian Frederik
s'opposent sur un
point aux voeux et aux espoirs des élites
norvégiennes.
Une fois connus
l'accord de Kiel et le transfert de la Norvège à
la
couronne suédoise, il croit
pouvoir monter sur le trône de Norvège dont il est
le
prince héritier, et
gouverner le pays en tant que roi absolu et
héréditaire.
Les élites - hauts
fonctionnaires et bourgeois - souhaitent au contraire une constitution
libre,
souhait auquel le prince doit céder pour pouvoir mener sa
politique
indépendantiste. Le 10 avril 1814, une Assemblée
nationale élue par le peuple
se rassemble à Eidsvoll au nord de Christiania (Oslo) pour
doter
le pays d'une
constitution. "Nous voyons ici un ensemble d'hommes venus de tous les
horizons, de toutes les classes et parlant tous les dialectes du pays,
hommes
de cour et propriétaires terriens rassemblés dans
le but
sacré de préparer la
résurrection de la patrie". C'est en ces termes que l'un des
élus décrit
sa compagnie. Six semaines plus tard, le 17 mai 1814,
l'Assemblé
nationale a
mené sa tâche à bien et
présente son projet
constitutionnel, mettant aussitôt
fin à ses fonctions en élisant le prince
Christian
Frederik roi de Norvège. Cet
acte solennel se termine par un discours bref mais vibrant du
président Georg
Sverdrup qui rappelle les liens unissant l'ancienne Norvège
libre et la Norvège
nouvelle qui sort maintenant du cocon : "L'ancien trône de
Norvège se
dresse à nouveau sur le territoire national, celui que
gravissaient jadis les
Sverre et les Adelsten pour diriger l'ancienne Norvège avec
sagesse et autorité."
Si
Christian Frederik a pu unir les Norvégiens dans la lutte
pour
l'indépendance
et - avec l'aide de l'Assemblée nationale - mettre sur pied
un
nouvel état dans
les quelques semaines enfiévrées qui
précèdent le 17 mai, c'est que Carl Johan
est toujours retenu sur le continent avec le gros des forces
suédoises.
Napoléon est forcé d'abdiquer début
avril, et le
prince héritier, considérant à
présent qu'il a satisfait à ses obligations
envers ses
alliés, décide de
rentrer en Suède avec le gros de ses forces vers la fin du
mois
de mai 1814.
Malgré les grandes envolées
norvégiennes,
malgré les déclarations solennelles
du type "Plutôt la mort que les chaînes de
l'esclavage", la
Norvège
accepte, après une courte guerre, l'union avec la
Suède.
L'union devient
officielle le 4 novembre 1814, lorsque le Storting (parlement)
norvégien élit
Carl XIII de Suède roi de Norvège. Le pouvoir
emprunte
cependant la plupart de
ses formes à la constitution de 1814 et l'union avec la
Suède reste si lâche
qu'elle pourra être dissoute en 1905 sans
conséquence
grave pour chacune des
parties.
Lorsqu'après
sa victoire militaire de 1814, Carl Johan accepte que la constitution
du 17 mai
préside aux destinées de la Norvège
dans son union
avec la Suède, ses raisons
sont multiples : volonté de rejouer un rôle
politique en
France, crainte d'une
restauration gustavienne en Suède et d'une guerre hivernale
avec
la Norvège,
désir de conquérir le coeur des
Norvégiens et de
gagner leur soutien à l'union
par des concessions et une politique de conciliation. Face à
cet
arsenal de
motifs, une certitude : il souhaite regagner plus tard ce qu'il a
dû concéder
en 1814. Cette volonté marquera toute sa politique envers la
Norvège après son
couronnement en 1818. Systématiquement, il entreprend de
restreindre l'autorité
du Storting, d'accroître le pouvoir royal et de resserrer les
liens de l'union
suédo-norvégienne. La politique des
années 1820
est donc une politique de
défense des acquis de 1814, d'une constitution garante de
l'indépendance nationale.
C'est sur cette toile de fond que sont organisées les
premières fêtes du 17 mai
dans les années 1820. Elles sont une manifestation publique
du
soutien à
l'oeuvre libératrice de 1814, de la volonté de
défendre la constitution et
l'indépendance, comme l'indique le slogan
"Défense de la
Constitution" qui orne nombre de drapeaux utilisés lors des
premières
commémorations. Vers 1830, Carl Johan change de politique
vis-à-vis de la
Norvège. En fait, il abandonne l'idée d'une
réforme profonde de la constitution.
Et ses successeurs vont le suivre sur cette voie.
Manœuvres vers
l'indépendance
Les
années 1890 avaient vu croître les germes du
conflit entre
les deux membres de
l'union. Des tendances nationalistes s'étaient fait jour de
part
et d'autre de
la frontière, s'appuyant sur des motifs politiquement
très divergents. L'esprit
protectionniste, de plus en plus marqué du
côté
suédois, avait nui aux
relations commerciales entre les deux pays. En Norvège, les
partisans de
l'union s'étaient vus par là-même
contraints
d'abandonner l'argument des
bénéfices économiques que cette
situation pouvait
apporter à leur pays. Après
1895, les deux nations s'étaient l'une et l'autre
lancées
dans des efforts
militaires substantiels.
Les
heurts à propos de l'Union se multiplièrent. Ce
fut la
question de la
représentation consulaire séparée qui
déclencha le dernier conflit.
Dès
le
début de l'année 1905, l'union apparut sur le
bord de la
rupture. Le premier
ministre en exercice, Francis Hagerup, démissionna, faute de
pouvoir négocier
plus avant avec la Suède au sujet de la création
d'un
corps diplomatique
norvégien. Un nouveau gouvernement fut alors
formé par
Christian Michelsen.
L'explorateur
et héros national Fridtjof Nansen publia dans la presse
étrangère une série
d'articles destinés à éclairer
l'opinion publique
et à expliquer les
revendications norvégiennes. En mai, les membres du
Parlement
adoptèrent un
projet de loi portant sur la création d'un corps
diplomatique
norvégien,
sachant pertinemment que le roi Oscar II n'en approuverait pas le
principe. Le
27 mai, le refus royal parvint aux intéressés,
marquant
la rupture complète
entre le Roi et le gouvernement - et donc entre la Suède et
la
Norvège. Les
deux nations s'efforcèrent de gagner à leur cause
les
grandes puissances que
comptait alors l'Europe, mais aucune ne souhaitait s'engager dans une
guerre en
Scandinavie.

Michelsen et son
gouvernement en 1905
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Le
7
juin 1905 eut lieu au Parlement norvégien (le Storting) une
séance
extraordinaire au cours de laquelle le premier ministre, Christian
Michelsen,
présenta la démission de son gouvernement. Le roi
de
Suède, Oscar II, qui
n'exerçait son pouvoir sur la Norvège que par
l'intermédiaire dudit
gouvernement, se trouvait ainsi démis de ses fonctions
royales.
Le
Parlement
adopta alors, à l'unanimité, une
déclaration qui
conférait au gouvernement
déchu le pouvoir "d'exercer l'autorité revenant
au Roi
selon la
Constitution et les lois du Royaume de Norvège - avec les
changements
nécessaires du fait de la perte, par le Roi, de sa
souveraineté sur le
territoire norvégien, laquelle met un terme à
l'union de
la Norvège et de la
Suède sous une seule couronne". Par le biais de cette clause
secondaire,
la Norvège rompait ainsi son union avec la Suède. |
Une
commission spéciale mise en place au Riksdag
(l'assemblée
nationale suédoise)
parvint à la conclusion que la Suède pouvait
accepter la
dissolution de
l'union, mais que la question devait être
préalablement
soumise à un référendum
en Norvège, et que les conditions de la dissolution
éventuelle devaient être
négociées. Cette recommandation fut
adoptée par le
Riksdag. Le référendum, qui
se déroula en Norvège,le 13 août,
révéla une écrasante
majorité en faveur de
la
dissolution de l'union (368.392
Norvégiens se
prononcèrent pour la dissolution et
184 contre).
Les
négociateurs norvégiens et suédois se
réunirent à Karlstad, le 31 août. Au
nombre des sujets à traiter se trouvaient un certain nombre
de
questions
délicates, comme celle du statut des forteresses militaires
norvégiennes
situées le long de la frontière.
L'atmosphère
s'avéra très tendue et les débats
furent intenses, mais ils aboutirent à un compromis connu
aujourd'hui sous le
nom d'Accord de Karlstad. Ce texte, après avoir
été controversé en Norvège,
finit par être adopté par le Storting. Le Riksdag,
de son
côté, approuva
l'accord sans recourir au vote. Le 16 octobre, la même
assemblée vota la
reconnaissance de la Norvège en tant que nation
indépendante, et le 27 octobre,
l'Accord de Karlstad fut enfin signé. Oscar II
renonçait,
dans le même temps,
au trône de Norvège.
La
nouvelle nation eut alors à débattre de la forme
de
gouvernement dont elle
souhaitait se doter. Un second référendum se tint
les 12
et 13 novembre. Il
avait pour objet le choix entre la monarchie et la
république.
Une forte
majorité se dégagea en faveur de la monarchie. Le
candidat choisi pour accéder
au trône fut le Prince Carl de Danemark, marié
à
l'une des filles d'Edouard
VII, qui régnait alors sur la Grande-Bretagne. Le prince et
sa
famille
arrivèrent en Norvège le 25 novembre. Deux jours
plus
tard, il adopta le nom de
Haakon VII, et prêta serment devant le Storting, promettant
de
veiller au
respect de la Constitution. |

Le
nouveau roi de Norvège Haakon VII portant son fils Olav,
accueillis par Michelsen
|
Quels
sont les facteurs qui rendirent possible, sans recours aux armes, cette
dissolution de l'union entre la Suède et la
Norvège ? Le
principal réside dans
le fait que les protagonistes qui participèrent aux
négociations étaient des
modérés, mus par la volonté de
parvenir à
un compromis. Si les négociations
avaient échoué, la guerre aurait
vraisemblablement
éclaté. La Norvège et la
Suède venaient l'une et l'autre de renforcer leurs
dispositifs
de défense, mais
la machine de guerre suédoise n'en conservait pas moins, et
de
loin, sa
supériorité. Parmi les scénarios
possibles, on
peut imaginer que les forces
norvégiennes se seraient efforcées de parer
suffisamment
longtemps à l'attaque
suédoise pour permettre aux grands pays européens
d'intervenir et de négocier
la paix. Autre hypothèse : l'agression et l'occupation
suédoises auraient
commencé par remporter la victoire, mais les
Norvégiens
continuant à riposter,
le conflit aurait risqué de s'éterniser. La
Suède
aurait eu bien peu à gagner à
mener une telle guerre. Sans doute les Suédois en
étaient-ils conscients dans
une large mesure. Aussi toutes les parties impliquées
finirent-elles par être
convaincues que la meilleure solution était bien la
dissolution
pacifique d'une
union qui, de toute évidence, n'avait plus de sens.
Sources principales
:
Le
premier chapitre est extrait d'un article de, Knut Mykland, professeur
à la
Faculté d'histoire de l'université de Bergen.
Traduit par
Nytt fra Norge pour le
Ministère norvégien des Affaires
étrangères.
Le
second chapitre est extrait d'un article de Øystein
Sørensen .

Indépendance Norvège version 1.0