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Quit india ! (1942) |
En
septembre 1939, l'Inde entre en guerre aux côté
des
Alliés. Les leaders indiens
ne furent pas consultés et ils
n'apprécièrent pas
du tout cette nouvelle
expression du mépris des Britanniques pour le droit des
peuples,
et en
particulier le droit élémentaire de
déclarer la
guerre. Ils cherchèrent à
négocier, ce que le vice-roi Linlithgow leur refusa.
Gandhi donne à Churchill des leçons de non-violence. " Invitez Hitler et Mussolini à conquérir les pays qu'ils veulent parmi ceux que vous appelez vos possessions. Laissez-les s'emparer de votre belle île avec ses nombreux et magnifiques monuments. Abandonnez-leur tout cela, mais ne leur donnez ni votre esprit, ni votre âme ". Il va de soi qu'un tel langage ne pouvait être compris que par des hommes dénués de tout, comme pouvaient l'être les masses indiennes, et en même temps suffisamment libres pour privilégier l'identité véritable (l'être) aux possessions (l'avoir). |
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En
1942, le Japon est aux portes de l'Inde. Singapour, Rangoon et Mandalay
sont
tombées entre leurs mains. Churchill envoie en Inde Sir
Stafford
Cripps, le
leader travailliste à la Chambre de Communes, pour
négocier avec les leaders
indiens. Il propose un statut de dominion pour l'Inde, dans le cadre de
l'empire britannique, contre leur adhésion à la
cause des
Alliés.
Mais
c'est déjà trop tard. Outre le fait que les
Alliés
sont sur la défensive, la
possibilité pour toute province de faire
sécession est
considéré comme une
manoeuvre pour diviser l'Inde entre provinces hindouistes et provinces
musulmanes. La mission Cripps est un échec. Gandhi compare
la
proposition
anglaise à un "chèque en blanc sur une banque en
faillite".
Gandhi
a compris que l'Europe se déchire, et qu'il tient une
opportunité historique
inespérée de délivrer l'Inde du joug
britannique.
Responsable face à son
peuple, il ne peut gâcher une telle opportunité.
Le temps
presse pour l'Inde ;
on ne sait pas combien de temps durera cette situation. Le temps presse
aussi
pour Gandhi lui-même : il a alors 73 ans.
![]() Médaille
commémorative
1942-1992 |
Il
passe alors de la revendication autonomiste à la
revendication
indépendantiste.
Le 8 août 1942, à Bombay, il lance un nouveau mot
d'ordre,
dévastateur, sans
compromis : Quit
India ! Quittez l'Inde !
Quelques heures plus tard, les chefs du Congrès sont arrêtés, et le parti est déclaré illégal. Gandhi est maintenu en détention dans le palais de l'Agha Khan, près de Poona. Mais le mouvement est lancé. L'Inde s'enflamme. Dès le 9 août, les masses indiennes s'ébranlent : manifestations, boycotts, grèves. La police tire sur la foule. Alors, celle-ci devient incontrôlable. Elle saccage les bâtiments publics, les gares, les lignes électriques, les ponts. |
Les
troubles éclatent simultanément aux quatre
extrémités de l'Inde et dans les
provinces centrales. Le Bengale, qui est à portée
des
troupes japonaises, est
coupé du reste de l'Inde.
La
répression est immédiate, mais elle ne peut venir
à bout du soulèvement que
plus de six semaines plus tard. Pour y arriver, plus de mille indiens
ont été
tués par la police et l'armée. Près de
cent mille
personnes furent arrêtées,
dont beaucoup furent fouettés ou torturés
publiquement.
L'Inde n'avait pas
connu une répression aussi brutale depuis la
révolte de
1857. Le mouvement se
poursuivit sous une forme terroriste.
Au mouvement "Quit India" se superpose la tentative de Subhas Chandra Bose, qui représente l'aile la plus radicale et la plus "gauchiste" du Congrès. Mécontent de la politique neutraliste, il avait pris contact avec les Allemands en 1941, puis avec les Japonais. En 1943, il crée Azad Hind Fauj, l'Armée Nationale Indienne à Singapour. De nombreux indiens vivant dans le sud-est asiatique rejoignirent cette armée, qui libéra les îles Andaman et Nicobar des colons britanniques, puis prit position au nord-est de l'Inde. Aujourd'hui, la statue de Chandra Bose trône sur le front de mer de Port Blair, la capitale des îles Andaman et Nicobar. En 1945, après la défaite du Japon et la mort de Bose dans un accident d'avion, les soldats de l'Armée Nationale Indienne furent capturés par les Anglais, qui tentèrent de les juger. Mais Nehru refusa au colonisateur cette prérogative qu'il considérait comme déplacée, et des manifestations en faveur des accusés secouèrent l'Inde. Le risque d'explosion était si fort que les peines infligées furent immédiatement amnistiées. Le fossé national entre Indiens et Britanniques apparaissait plus profond que les fossés idéologiques. |
![]() Statue de Subhas Chandra
Bose à
Port Blair
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Dès
1942, Gandhi avait déploré publiquement le
caractère violent du soulèvement, et
accompli un jeûne de purification de trois semaines. Mais il
est
forcé de
constater, comme les autres leaders nationalistes et les colons
anglais, que la
mobilisation de masse n'a jamais été aussi forte.
Les
cadres du Congrès sont
dépassés par des jeunes militants issus des
classes
moyennes urbaines, qui
n'acceptent plus, comme leurs aînés, les
humiliations de
la colonisation. Le
terrorisme et les assassinats font partie du quotidien, et l'opinion
britannique en arrive à l'idée d'abandonner le
sous-continent à son sort.
Les
Anglais essayent de salir le mouvement de libération. Gandhi
est
accusé d'être
à la solde des puissances de l'Axe, et de favoriser la
conquête de l'Inde par
les Japonais. Toutefois, le Mahathma est connu mondialement depuis
longtemps.
Qu'il soit considéré comme un apôtre du
combat
non-violent, un fakir à demi-nu,
ou un illuminé, soit. Mais il était peu
crédible de lui accoler une étiquette de nazi.
Kasturba,
la femme de Gandhi, meurt début 1944, et Gandhi lui
même
est atteint par la
malaria. Il est libéré en Mai 1944,
près de deux
ans après le mot d'ordre
"Quit India". Il annonce aussitôt que la
désobéissance civile est
suspendue. Mais le terrorisme continue. L'idée que les
Anglais
doivent quitter l'Inde a fait son chemin.
Désormais, la
question est de savoir
comment.
En Mars
1946, le gouvernement Atlee envoie en Inde une mission pour
préparer
l'indépendance. Le projet est de créer une Union
fédérale, rassemblant l'Inde
britannique et les Etats princiers ; les provinces musulmanes
pourraient créer
leurs gouvernements dans le cadre de l'Union Indienne.
Le 10 juillet, Nehru suggère publiquement que le Congrès, majoritaire au Parlement, pourrait imposer sa loi et restreindre les libertés régionales et donc celles des minorités. Il est possible que l'unité proposée par les Britanniques n'était qu'un leurre. Mais, aussitôt après le discours de Nehru, la Ligue Musulmane se retire de l'accord. Elle proclame sa volonté d'obtenir un Pakistan séparé de l'Inde, et cela par tous les moyens. Trois à six mille personnes, hindous et musulmans, laissent leur vie dans les émeutes du 16 août à Calcutta.
Après le mouvement " Quit India ",
l'indépendance
de l'Inde était
devenue inévitable. Après le discours de Nehru,
le
mouvement de partition était enclenché. Mais cela
est une
autre
histoire.
Le 8 Août, jour de " Quit India ", qui commémore l'appel de 1942, est une des fêtes nationales de l'Inde.
Tous les héros de l'indépendance de l'Inde sont honorés, y compris Subhas Chandra Bose dont le portrait est présent au Parlement et dont la statue se dresse devant l'Assemblée législative du Bengale, à Calcutta.
![]() Timbre-poste
commémorant Gandhi
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![]() Médaille
commémorant Sardar
Vallabhbhai Patel
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![]() Film
commémorant Nehru,
le "joyau de l'Inde" |
![]() 2004 : le
premier ministre du
Bengale, Budhadev Bhattacharjee, enguirlande la statue de Chandra Bose pour son 107ème
anniversaire.
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