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La F.N.D.I.R.P.
(Fédération Nationale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes)
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La F.N.D.I.R.P. existe toujours. Ses
membres légitimes, en admettant que le plus jeune avait 13 ans
en 1945, ont tous plus de 80 ans.
Elle s'est faite remarquer en Bretagne récemment.
En janvier 2012, l'A.D.I.R.P. d'Ille-et-Vilaine a demandé que soit
débaptisé le collège Polig Monjarret à
Plescop, pour cause d'autonomisme breton pendant la guerre 39-45.
Dans la foulée, la F.N.D.I.R.P. demande que soient
débaptisés les collèges "Roger Vercel" de Dinan et
du Mans. Selon la FNDIRP, l'auteur de Capitaine Conan,
qui a été porté à l'écran par
Bertrand Tavernier, a écrit un article antisémite en
octobre 1940. L'association veut, manifestement, changer de statut et
se transformer en une milice culturelle privée. Il est vrai que
temps passe et le nombre d'authentiques résistants et
déportés se réduit ; il faut donc se trouver une
nouvelle mission.
Alors, devoir de mémoire ?
Nous ne parlons pas de la mémoire des déportés et
des résistants.
Nous parlons de la mémoire de la F.N.D.I.R.P.. L'histoire, disait
l'autre barbu, ne se répète qu'en farce. Quand on veut
rejouer l'épuration avec 67 ans de retard, il faut se dire que la
connaissance historique a évolué et que le public n'est
plus le même.
La F.N.D.I.R.P. en quelques lignes
La F.N.D.I.R.P. est une association
créée en octobre 1945 pour "veiller sur l'avenir de
l'homme et sur sa dignité". Les fondateurs en sont Marcel
Paul, alors ministre communiste, et Henri Mahnès, dit "Colonel
Frédéric", co-détenu du premier dans le camp
de concentration de Buckenwald.
La F.N.D.I.R.P. reprend le "serment de Mathausen", prononcé par
les rescapés le 16 mai 1945 :
" Sur des bases sûres de la
fraternité internationale, nous voulons construire le plus beau monument qu'il
nous sera possible d'ériger aux soldats tombés pour la liberté : le Monde de
l'Homme Libre ! "
Voilà pour les promesses. Maintenant, voyons quelle a
été la réalité de la F.N.D.I.R.P..
1 - Après la guerre, la déportation était forcément "politique"...
La Shoah est désormais un
fait historiquement établi mais il n'en a pas toujours
été ainsi. De 1945 à 1965 environ, considérer que
tous les déportés étaient des résistants
constituait un enjeu politique. La première revendication de la
FNDIRP était la défense des intérêts de ceux
qui avaient souffert en défendant la France libre. La
reconnaissance d'une déportation non politique (pour raison
raciale en particulier) n'était pas à l'ordre du jour.
Les Gaullistes voulaient adopter une
définition assez restreinte du déporté résistant, à savoir une personne ayant
collaboré à une action armée contre l'occupant. Les communistes
voulaient une définition beaucoup plus large. "Avoir été déporté ou
emprisonné
dès lors que la France était occupé
équivaut ipso facto à un acte de patriotisme,
pourvu que la victime n’ait été ni
collaboratrice ni condamnée de droit
commun" (Annette VieWiorka, Déportation et génocide, P 147).
Les lois
de 1948 constituent un compromis. Elles définissent deux
catégories,
celle de "déporté résistant" et celle de
"déporté politique". Le déporté politique est une catégorie assez vague,
qui permet d'englober les déportés raciaux, ainsi que
d'autres catégories
comme les victimes de rafles, les otages, les homosexuels ou tous ceux
qui, pour une raison ou une autre furent
envoyés par les Nazis vers les camps de la mort.
En
règle générale, à la sortie de la guerre, les déportés raciaux
eux-mêmes ne
souhaitent pas être différenciés des autres déportés. Selon Annette
Wieviorka, le "marché implicite" est le suivant : les Juifs
"taisent la spécificité de leur destin. Ils deviennent en échange des
patriotes et résistants, voués à l'anéantissement en tant
qu'antifascistes". Pour les survivants, c'est une manière de s'intégrer
dans une histoire positive et d'obtenir un respect dont ils avaient
été si terriblement privés.
L'affiche de la FNDIRP en en-tête de la présente
étude est caractéristique : le déporté est
forcément "politique".
Au début des années 50, la FNDIRP, dans son journal Le
Patriote Résistant (avril-mai 1953) annonce 220 000
déportés morts dans les camps, dont 50% de
résistants.
2 - Refus du dénombrement des résistants et des déportés
L’achèvement au début
des années 1970 de la statistique de la
déportation au départ de France, réalisée par
le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre
mondiale, est bloquée par la
F.N.D.I.R.P.. Celle-ci conteste le
décompte des 64.000 déportés, réalisé
département par département.
Un dénombrement réel sur les résistants et les
déportés aurait empêché le parti Communiste
de se proclamer "le parti des 100 000 fusillés" avant d'en
rabattrer au "parti des 75 000 fusillés". Depuis, les historiens
ont
établi un chiffre d'environ 4 500 personnes fusillées par
l'Occupant en France.
La publication du Comité d'Histoire en a été
empêchée à l'époque, après des années de travail.
Pourquoi une telle soumission aux pressions, à cette
époque ? N'oublions pas qu'aux élections
présidentielles de 1969, le candidat communiste Jacques Duclos
avait obtenu 21,5% des suffrages. L'Union Soviétique
était considérée comme une superpuissance. Partout
dans le monde, en Asie, en Afrique, en Amérique du sud, les
guérillas communistes étaient à l'offensive. La
peur de l'avenir explique beaucoup de petits arrangements avec la
vérité.
3 - L'affaire David Rousset
Cette affaire est sans doute la plus
significative de l'esprit FNDIRP qui diffère de l'esprit de liberté.
Dans son livre "Les abus de la mémoire",Tzvetan Todorov brosse l'affaire en quelques lignes :
"David Rousset était un prisonnier
politique, déporté à Buckenwald ; il a eu la
chance de survivre et de revenir en France. Il ne s'en est pas
contenté ; il a écrit plusieurs livres dans lesquels il
s'est efforcé d'analyser et de comprendre l'univers
concentrationnaire ; ces livres lui ont apporté la
notoriété. Mais il n'en reste pas là : le 12
novembre 1949, il publie un appel aux anciens déportés
des camps nazis pour qu'ils prennent en mains l'enquête sur les
camps soviétiques toujours en activité. Cet appel produit
l'effet d'une bombre ; les communistes sont fortement
représentés parmi les anciens déportés et
le choix entre les deux loyautés mises en conflit n'est pas
facile. A la suite de cet appel, de nombreuses
fédérations de déportés se trouvent
scindées en deux."
Voyons les détails de l'affaire, dont un des acteurs centraux
était la FNDIRP. Seuls y sont restés ce qui ne voulaient
rien savoir des camps soviétiques ou, comme disait
l'ex-déportée Marie-Claude Vaillant-Couturier, qui savaient qu'il n'existe pas de camps de concentration en Union soviétique.
Dans son numéro 286, le journal "Les Lettres Françaises" publie un article signé "Pierre Daix, matricule 59 807 à Mathausen", accusant David Rousset de faux.
Le journal Le Patriote du
19-20 novembre 1949 reprend une bonne partie de l'article de Pierre
Daix, et en particulier les accusations de falsifications :
"On sait quelle campagne est déclenchée à propos
de la prétendue existence, en Union Soviétique, de camps
semblables aux sinistres camps de concentration hitlériens. "Le
Figaro littéraire" a lancé cette campagne en ouvrant
largement ses colonnes à M. David Rousset, puis divers journaux,
notamment "Franc Tireur" ont fait chorus.
Le thème est simple : il s'agit de faire croire au grand public
que le monstrueux système des camps de la mort, honte inexpiable
du nazisme, revit au pays du socialisme. (...)
M. Daix note que l'actuelle campagne n'est que l'aboutissement "de la
campagne générale menée depuis 1945 par M. David
Rousset pour faire des anciens déportés, victimes du
nazisme, les alliés des anciens nazis dans la guerre
antisoviétique qui se prépare". Il ajoute :
"L'opération est menée dans l'annexe littéraire du
journal qui publia les mémoires du général Von
Choltitz, dans le journal même qui a publié les faux
antisoviétiques les plus éhontés; (...)
"Que fait M. Rousset ? Dans une
société comme la
société soviétique où le travail est devenu
une force de libération des hommes, la justice y prend des
sanctions contre ceux qui, par négligence ou paresse, entravent
l'effort général de la nation vers le bien-être,
vers le moment où , enfin, elle pourra jouir de ses efforts. Ces
sanctions prennent forme de travail correctif. La peine est
purgée sur le lieu de travail. Elle ne peut excéder un
mois . (...)
Mais les camps de rééducation de l'Union
soviétique sont le parachèvement d'autre chose, de la
suppression complète de l'exploitation de l'homme par l'homme.
La marque décisive de l'effort, par le socialisme vainqueur,
d'achever la libération des hommes de cette exploitation en
libérant aussi les oppresseurs esclaves de leur oppression
même. (...)
Je dénonce cette demande d'enquête à tous mes
camarades anciens déportés comme une entreprise de
diversion tendant à pousser à la guerre contre l'Union
soviétique. Je leur demande de s'opposer à cette demande
d'enquête qui vise au maximum à introduire sur le
territoire de l'Union soviétique des hommes comme David Rousset,
dont toute l'attitude passée et présente, ainsi qu'un
récent voyage aux Etats-Unis, laisse supposer qu'ils sont des
agents des fauteurs de guerre.(...)" |
David Rousset porte plainte contre Pierre Daix et les Lettres Françaises.
Dans le numéro 287 (24 novembre 1949) des Lettres Françaises, la F.N.D.I.R.P. prend position officiellement contre David Rousset :
"Le bureau de la F.N.D.I.R.P., réuni le 2 novembre 1949, 10 rue Leroux,
Mis en présence de la récente campagne et des
propositions de M. David Rousset, estime que cette campagne a
été déclenchée par un déporté
qui ne fut mandaté par aucune organisation, et il lui
apparaît que le procédé employé ne
correspond pas à la noblesse de la cause des anciens
déportés des camps nazis.
Les rassemblements de déportés et d'internés n'ont
en effet pas été créés pour servir à
des publicités personnelles , conduites à l'aide de
moyens démagogiques, et le bureau national de la F.N.D.I.R.P. refuse
de se mêler à un battage susceptible d'entretenir
certaines suspicions sur l'un ou l'autre des peuples qui nous
aidèrent de toutes leurs forces et de tous leurs sacrifices.
Cette campagne n'est qu'une nouvelle phase de l'action conduite contre
l'unité de la Résistance et prend place dans le concert
antisoviétique. elle ne peut avoir que de néfastes
conséquences au moment précis où tant de
tentatives sont conduites pour faire échapper l'Allemagne
à la responsabilité de ses crimes." ...) |
Le journal de la FNDIRP (Le Patriote Résistant N° 88 et 89 ; 2 et 3 décembre 1949) dénonce Rousset comme un agent
provocateur et un anti-communiste primaire.
Dans tous les journaux proches du
Parti communiste, les injures et les calomnies pleuvent. Par exemple,
dans son numéro du 28 décembre 1949, le journal Le Patriotepublie
un article de Virgile Barel, député communiste des
Alpes-Maritimes, qui accuse David Rousset d'avoir appelé les
Français à collaborer (David Rousset ayant
été militant trotskyste, il fait un amalgame avec les
trostskystes collaborateurs. Voir à ce sujet l'étude sur le natrisme) .
La F.N.D.I.R.P. mobilise ses sections dans toute la France pour cracher sur David Rousset.
"Le Comité Directeur de l’Association Départementale
de l’Isère, des Déportés, Internés, Résistants et Patriotes, a approuvé à
l’unanimité la résolution du Bureau National de la F.N.D.I.R.P. condamnant la
campagne de division et de calomnie de M. David Rousset, envers l’Union
Soviétique. Le Comité Directeur estime que cette campagne ne peut avoir que de
néfastes conséquences au moment précis où tant de tentatives sont conduites
pour faire échapper l’Allemagne et la responsabilité des ses crimes.
Regrette
qu’un ancien déporté tente d’ébranler
l’unité de notre Fédération et de la
Résistance, en prenant la tête d’une croisade qui a
aussi pour but de masquer
les préparatifs d’un nouveau conflit mondial. Le
Comité Directeur estime que M.
David Rousset ferait mieux de se pencher sur la profonde misère
qui règne parmi
les anciens déportés français et les veuves et les
orphelins de leurs
camarades, dont les intérêts sont sacrifiés en
conséquence de l’abandon par le
gouvernement français des réparations dues par
l’Allemagne.
Réaffirmant leur
reconnaissance indéfectible envers le peuple russe qui a puissamment aidé à
leur libération des camps de la mort, les déportés de l’Isère, plus que tous
autres attachés à la Paix, condamnent énergiquement l’initiative de M. David
Rousset qui ne peut que nuire à la bonne entente entre tous les alliés." (...)
|
Le procès de David Rousset contre Pierre Daix et Les Lettres Françaises
commence le 25 novembre 1950. La lecture de ses minutes en vaut la
peine. Il s'y exprime tout le mépris, toute l'arrogance, toute
la violence et tout le mensonge de ceux qui sont persuadés de
détenir la vérité. Espérons que tout cela
fasse partie d'un passé révolu, mais il est difficile
d'en être persuadé.
Le 16 décembre 1950, au cours de la septième audience,
est lue une lettre du lieutenant-colonel Manhès,
président de la F.N.D.I.R.P. :
" (...) Ce sont, Monsieur le
Président, les survivants de Neuengamme qui, eux, ont bien connu
David Rousset au camp, qui se sont chargés de confirmer ce que
j'ai écrit. Au cours de leur congrès, tenu le 10
décembre, ils ont voté une résolution qui vous a
été adressée, Monsieur le Président, et
cette résolution, une délégation élue par
le congrès est venue la communiquer au congrès
extraordinaire de la F.N.D.I.R.P. qui se tenait le même jour.
Cette résolution a été commentée à
la tribune, et je vous affirme que ce commentaire n'était
guère à l'honneur du déporté David Rousset
; Il peut être résumé en une courte phrase ; les
anciens déportés de Neuengamme vomissent le
déporté David Rousset"
|
Pendant le procès, la FNDIRP
éclate. Une bonne partie des anciens déportés,
sensibles au combat de David Rousset et écoeurés par le
comportement de leurs dirigeants, rejoignent une autre association et
fondent ensemble l'UNADIF. David Rousset reçoit le soutien des
dissidents :
"Mon cher camarade,
Comme
suite aux accusations contenues dans la lettre du lieutenant-colonel
Manhès, qui a été lue le 16 décembre 1950,
au cours du procès que vous avez intenté aux Lettres
Françaises, le bureau de l'UNADIF est heureux de vous renouveler
ses félicitations pour l'oeuvre que vous avez entreprise et vous
assurer de son entière confiance.
Il ne faut pas oublier en effet que l'U.N.A.D.I.F., depuis le
congrès de Compiègne du 3 juin dernier, groupe en son
sein tous les déportés, internés,
résistants et politiques, sauf bien entendu ceux qui acceptent
la survivance du régime concentrationnaire.
Le lieutenant-colonel Manhès ne parle donc qu'au nom
d'une minorité qui est loin de représenter tous les
déportés puisque seuls sont restés à la
F.N.D.I.R.P. ceux qui sont inféodés aux directives d'un
parti politique.
Le président par interim : R.P. Riquet
Vice président de l'U.N.A.D.I.F.
Le secrétaire général : De Beaumarché
Compagnon de la Libération
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Le dernier témoignage contre David
Rousset vaut son pesant de cacahuètes. C'est celui de
Marie-Claude Vaillant-Couturier, députée communiste.
Voici comment ce témoignage est retranscris dans les minutes du
procès :
M. David Rousset - Je voudrais demander au
témoin si elle était convaincue par les faits, les faits
qu'elle aurait elle-même observés, qu'il existe quelque
part en Union soviétique un camp de concentration comme celui
dans lequel elle a vécu, si elle le condamnerait ?
Mme Vaillant-Couturier - Mais je ne peux pas... La question ne peut pas se poser parce que je sais qu'il n'existe pas de camps de concentration... (rires dans la salle)
en Union soviétique, et que je considère le
système pénitentiaire, puisque c'est à cela que
vous pouvez faire allusion, le système pénitentiaire
soviétique comme indiscutablement le plus souhaitable dans le
monde entier. (rires dans la salle)
Je crois que c'est le seul pays
où les condamnés quels qu'ils soient, que ce soient des
condamnés de droit commun ou que ce soient des condamnés
politiques, touchent un salaire égal à ce qu'ils
touchaient à l'extérieur, peuvent acheter ce qu'ils
achètent à l'extérieur, sauf des boissons
alcooliques, ce qui est évidemment désagréable
pour ceux qui aiment boire, et peuvent se payer, avec leur salaire, une
chambre individuelle, s'ils ont le désir ou la
possibilité, qui ont la possibilité de lire,
d'écrire, de voir des films, de faire de la musique.
Je considère, par conséquent, que la question ne peut pas se poser.
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L'argumentation de David Rousset repose
d'abord sur la législation soviétique elle-même,
qui permet l'internement administratif, sans jugement, pendant cinq ans.
Recueil des lois du Gouvernement des Ouvriers et des paysans de l'U.R.S.S., N°36, du 19 juillet 1934
Ordonnance 283 - Sur la création d'un Commissariat du Peuple des
Affaires Intérieures de l'Union Soviétique N.K.V.D.
Le Comité Exécutif Central et le Conseil des Commissaires du Peuple en U.R.S.S., décident :
1°) Créer un Commissariat du peuple des Affaires
Intérieures de l'Union Soviétique, N.K.V.D., incorporant
dans son sein la Direction générale politique de l'Etat,
O.G.P.U.
2°) Charger le N.K.V.D. :
a) du maintien de l'ordre révolutionnaire et de la sécurité de l'Etat
b) de la sauvegarde de la propriété publique ;
c) de l'enregistrement des actes de l'état-civil
3°) Organiser, auprès du Commissariat du peuple des Affaires
Intérieures une conférence spéciale, laquelle,
conformément aux directives la concernant, a
le droit d'appliquer, par voie administrative, l'interdiction de
séjour, la déportation, l'incarcération dans les
camps de travail correctif, pour une durée allant jusqu'à
cinq ans.
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L'argumentation repose ensuite sur des
témoignages d'anciens déportés dans les bagnes
soviétiques. La majorité d'entre eux étaient
d'anciens communistes russes, espagnols, autrichiens, juifs. La plupart y
sont restés plus de cinq ans, et ont vu mourir leurs
codétenus par le froid, la faim, l'épuisement et la
maladie. Les avocats de la défense, maîtres Nordmann
et Vienney, ne cessèrent de les interrompre et de les
soupçonner de toutes les tares de la terre.
La 17ème chambre du tribunal correctionnel de la Seine rendit
son jugement le 12 janvier 1951.
"Le Tribunal,(...)
Déclare Claude Lecomte, dit Claude Morgan, convaincu et coupable
de diffamation publique, et Pierre Daix de complicité de
diffamation publique, délits prévus par les articles 32
et 43 de la loi du 29 juillet 1881.(...) |
Cependant,
l'enquête internationale demandée par David Rousset ne se
réalisa jamais, suite au refus des autorités
soviétiques de coopérer.
Reprenons la conclusion de Tzvetan
Todorov : "Ces anciens déportés se transformaient en
véritables négationnistes, plus dangereux encore que ceux
qui nient aujourd'hui l'existence des chambres à gaz, parce que
les camps soviétiques étaient alors en pleine
activité et que les dénoncer publiquement était le
seul moyen de les combattre".
La F.N.D.I.R.P. a-t'elle changé ?
Depuis l'affaire Rousset, les
révélations sur le Goulag et les camps soviétiques
se sont multipliées. Il n'est plus possible aujourd'hui de nier
l'évidence. Il n'est plus possible non plus de
contester que le nombre de morts dans les camps soviétiques
est largement supérieur à celui des morts dans les camps
nazis.
L'affaire est-elle classée pour la FNDIRP, qui aurait pu trouver là
une bonne raison de dépasser ses anciens mensonges ?
Non.
Ceux qui étaient aux commandes de la F.N.D.I.R.P. lors de l'affaire
David Rousset l'étaient encore plusieurs dizaines
d'années plus tard. Ils n'ont jamais été désavoués.
Le 5 mai 1986, l'Agence Télégraphique Juive publie un
message qui revient sur la position de la F.N.D.I.R.P. à propos de la
Shoah :
" Madame Eliane Klein, présidente du CRIF Orléans et M.
Jean Kahn, président du CRIF Alsace, se sont indignés que
pendant les cérémonies de la Journée nationale de
la Déportation, qui ont eu lieu le 27 avril dans leurs villes
respectives, et certainement dans d'autres villes de France, en
présence des plus hautes personnalités civiles et
militaires, était lu publiquement un texte national,
rédigé par la Fédération Nationale des
déportés et internés, résistants et
patriotes (FNDIRP).
Ce texte, en ne mentionnant pas une seule fois le
mot "juif" occulte, selon eux, la spécificité du martyr
juif en oubliant de rappeler que les victimes juives ont
été déportées, non en tant qu'opposants
politiques ou résistants, mais en tant que juifs, ajoutent-ils.
En mettant en parallèle la déportation avec la famine au
Sahel ou en Ethiopie, il contribue à banaliser la Shoah au
même titre que d'autres tentatives analogues actuelles. Une
protestation nationale doit s'exprimer, concluent-ils, pour
éviter le renouvellement de pareils agissements". |
En 1997, la F.N.D.I.R.P. rend un hommage solennel à Marie-Claude
Vaillant-Couturier, qui était une des porte-parole du
négationnisme sur les camps soviétiques.
En mars 2012 (N° 862 de son
bulletin Le Patriote Résistant), la FNDIRP dénonce la
création à Prague d'une "Plateforme pour la
mémoire et la conscience de l'Europe" . Celle-ci reprend la
résolution adoptée par le Parlement européen le 2
avril 2009 sur la "Conscience européenne et le totalitarisme",
qui institue une Journée dédiée aux «
victimes de toutes les dictatures totalitaires et autoritaires ».
Cette journée est fixée le 23 août, jour
anniversaire du pacte germano-soviétique.
Ceux qui crachaient hier sur David Rousset et voulaient travestir
l'histoire à leur profit ne sont pas encore morts.
Les résistants et déportés sont entrés dans l'histoire.
La F.N.D.I.R.P. aussi.
Mais pas par la même porte.

Contreculture / FNDIRP 1.0