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Citron (Suzanne)Observatrice de manuels scolaires |
Au chapitre 5 « Quoi de neuf dans les manuels scolaires ?» page 94, elle aborde le Paradoxe de « l’histoire de France » dont voici quelques extraits :
Histoire de France cours élémentaire éd. Armand Colin - 1913
Malgré
quelques ouvertures, qui
ne concernent que la deuxième moitié du XX
siècle, l’histoire à
l’école est à
réinventer, une histoire qui cesserait d’avoir
pour seule logique le processus
de construction de l’Etat-nation.
L’histoire du
« pays des droits de
l’homme » n’a rien
d’une histoire des droits de l’homme : tel est le
paradoxe non résolu forgé par
l’historiographie républicaine, celle que nous
ont léguée, avec seulement des nuances entre eux,
les historiens républicains
(ou ralliés) de la fin du XIXème
siècle et de la première moitié du
XXème. Le
Petit Lavisse nous a fait percevoir d’une façon
quasi-caricaturale une histoire
que les Français continuent
d’intérioriser : celle d’une
suite de
conquêtes licites parce
qu’elles « font la
France », celle
d’une France pré-inscrite dans l’espace
mais également prédestinée
à
l’excellence humaine. La légende forgée
pour l’école de Jules Ferry qui devait
inscrire dans le cœur de tous les petits Français
la religion de la France,
confondue avec le culte de l’Etat à travers ses
grands hommes, inspire toujours
en filigrane la construction des manuels , donc des programmes et par
conséquent survit comme grille exclusive du passé
dans l’intellectuel des
concepteurs de programmes.
Or c’est au fond
une histoire
totalitaire, histoire d’un pouvoir où jamais
l’on entend la voix des vaincus,
des annexés, des persécutés, des
opposants. Mémoire de l’Etat, à
l’exclusion
des autres mémoires qu’elles soient
régionales, culturelles, religieuses, elle
occulte ce qui la gêne ou elle l’ignore, mais ces
ignorances sont
significatives. Elle n’initie qu’à des
sociétés transparentes, homogènes,
mythiques en fin de compte : Gaule, Moyen Age, Ancien
Régime. (…) Comment comprendre le drame de l’Algérie en dehors d’un enseignement historique qui avait vanté la « bonté de la France » à l’égard des « indigènes » et magnifié la conquête de l’Algérie devenue partie intégrante de la France (comme l’étaient les pays occitans,la Bretagne, la Savoie, la Corse) ? le long refus de reconnaître aux Canaques une identité culturelle spécifique et les réticences face au fait musulman dans l’hexagone ne sont-ils pas aussi un legs de cette histoire ? |