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LOUIS JOUVET (1887-1951)Acteur de cinéma, homme de théâtreLa subvention, pas la subversion |
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Pour la saison
1941, les
théâtres de Rio, de
Buenos Aires et de Montevideo proposent un engagement à
l'Athénée . Dérogeant aux interdits législatifs concernant l'émigration, la troupe part de Lyon le 26 mai 1941 pour une tournée en Amérique latine. Ce n'est pas une marque d'insoumission ou de défiance envers le maréchal Pétain, bien au contraire. C'est une mission de propagande culturelle, officielle et subventionnée par les instances de Vichy. Les décors et les costumes remplissent trois wagons. Jouvet dispose, et il n'est pas le seul dans la troupe, d'un passeport "de service", permettant des dérogations. Les administrations des Affaires étrangères, de l'Intérieur, de l'Instruction publique et même le Commissariat aux questions juives sont tous prévenus de la mission. Celle-ci s'inscrit dans la continuité des tournées disposant du patronage gouvernemental, comme la Comédie Française en 1939 ou le Vieux-Colombier en 1940. |
Le
gouvernement du maréchal Pétain
n'a pas lésiné. En 1941, la "mission Jouvet" absorbe 80 %
du budget de
l'Association française d'action artistique (Afaa) et presque
autant
l'année suivante, quand
Jouvet décide, avec l'accord du gouvernement, de prolonger la
tournée.
Le seul projet
d'envergure comparable, la tournée des Petits chanteurs
à la croix de bois, est garanti par un financement direct
sur les fonds
propres du Chef de l'État. C'est en outre un projet
financièrement
beaucoup moins lourd car il n'y a ni décors, ni costumes
à transporter.
Les enfants ne voyagent pas en première classe, ils sont
logés chez
l'habitant et il n'est pas réellement question de salaire
pour eux.
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Parmi de nombreux documents,
Cet entretien entre Jouvet et un journaliste, qui paraît dans le
Figaro à la veille du départ de la troupe, est tout
à fait explicite. - Vous avez dû avoir bien du mal pour mettre au point cette tournée de par delà les mers ? - Eh bien ! Imaginez les tracas d'une tournée ordinaire multipliés par cent. Et je suis optimiste ! - Et c'est naturellement une tournée officielle ? - Naturellement. Autrement rien n'aurait été possible . |
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Au
Brésil, la troupe ne fait
pas un geste contre l'instrumentalisation par le dictateur
Getúlio Vargas. Celui-ci met en œuvre sa propre propagande
autour de la troupe de l'Athénée, vue comme
l'émissaire d'un régime qui a rompu avec la
démocratie. Au Chili, pour au moins une partie des représentations, les représentants allemands sont présents, ce qui montre que Jouvet est un "bon français" de l'époque. Mais les meilleures choses ont une fin. A partir de l'automne 1942 Jouvet n'est plus subventionné par Vichy. Il décide de rester en Amérique Latine, mais ne rejoint pas pour autant la France libre. Il rend celle-ci responsable de l'échec de la saison 1942 en Argentine et en Uruguay. L'Amérique latine a suivi l'entrée des États-Unis dans la guerre, et Vichy n'y est pas bien vu. Cependant la vie d'un théâtre non subventionné est difficile, surtout pour celui qui a toujours vécu des subsides publics. Au printemps de l'année 1943, en Colombie et au Venezuela particulièrement, les négociations aboutissent enfin. La France Libre sort de son boycott de Louis Jouvet et aide à l'organisation matérielle des saisons. |